Pérou: L’ex-président Castillo restera détenu pendant 18 mois

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PérouL’ex-président Castillo restera détenu pendant 18 mois

Le président déchu Pedro Castillo a été maintenu jeudi en détention provisoire pour 18 mois par la Cour suprême du pays, alors que ses partisans continuent de manifester pour réclamer sa libération.

Un partisan de l’ex-président Pedro Castillo agite un drapeau péruvien devant la police anti-émeute lors d’une manifestation pour exiger la fermeture du Congrès et la libération de Pedro Castillo au centre-ville de Lima, le 15 décembre 2022.

Un partisan de l’ex-président Pedro Castillo agite un drapeau péruvien devant la police anti-émeute lors d’une manifestation pour exiger la fermeture du Congrès et la libération de Pedro Castillo au centre-ville de Lima, le 15 décembre 2022. 

AFP

L’ex-président de gauche radicale est incarcéré depuis sa destitution le 7 décembre, après une tentative ratée pour dissoudre le Parlement que ses adversaires ont qualifiée de coup d’État manqué. Le parquet, rappelant que Pedro Castillo avait essayé de se réfugier à l’ambassade du Mexique après sa destitution, réclamait son maintien en détention jusqu’en juin 2024 en invoquant un «risque de fuite». Poursuivi pour «rébellion» et «conspiration», l’ex-président encourt dix ans de prison, selon le procureur Alcides Diaz.

«On le sentait venir (…) Nous ne sommes pas allés à l’audience, car nous refusons de prendre part à cette mascarade», a dénoncé l’avocat de Pedro Castillo, Ronald Atencio, en annonçant qu’il allait faire appel.

Au moins 10 morts et 34 blessés

Dans les rues, la mobilisation des partisans de Pedro Castillo ne faiblit pas malgré l’état d’urgence décrété mercredi pour 30 jours dans tout le Pérou. Cette mesure permet à l’armée de participer aux opérations de maintien de l’ordre.

Au moins dix personnes ont été tuées pendant des manifestations, dont deux jeudi lors d’un affrontement à l’aéroport d’Ayacucho (sud), selon le Défenseur du peuple (ombudsman) qui a également dénombré 340 blessés. La police a précisé que près de la moitié de ces blessés provenaient de ses rangs. «Nous exigeons des forces armées l’arrêt immédiat de l’usage d’armes à feu et de bombes lacrymogènes lancées par hélicoptère», a déclaré le bureau du Défenseur du peuple dans un communiqué.

Les manifestations les plus virulentes ont eu lieu dans le sud du pays, où cinq aéroports restent fermés (Andahuaylas, Arequipa, Puno, Cuzco et Ayacucho). Plus d’une centaine de routes sont bloquées par des protestataires à travers le pays, et le train vers le célèbre site du Machu Picchu a cessé de fonctionner, laissant en rade plusieurs centaines de touristes.

«Nous devons nous battre. Pour que nos enfants ne soufrent pas comme nous souffrons. Le président est Pedro Castillo», a dit à l’AFP Milagros Quispe Diaz, son bébé de cinq mois dans les bras, lors d’une marche en périphérie de Lima qui devait la mener au centre où plusieurs organisations avaient appelé à un grand rassemblement.

«Pas de justice»

Avec 2000 à 3000 personnes, il a été plus imposant que ceux des derniers jours. Sur place, Estefania Rivera, 28 ans s’insurge contre la détention de l’ancien président: «Au Pérou, il n’y a pas de justice. Elle s’applique aux uns et pas aux autres. Là on le juge en un temps record alors que les procédures traînent pour les autres.»

«Ça montre notre histoire faite de classisme et racisme conte les peuples indigènes et le Pérou profond. Tout est à Lima, les services de santé, d’éducation, l’administration. Rien pour le Pérou profond», poursuit cette professeure, dont la famille est d’origine amérindienne. Pedro Castillo était largement soutenu par les populations de province lors de son élection en 2021. «On a besoin d’élections maintenant. On ne peut pas attendre», conclut Estefania Rivera.

Un autre manifestant, Jorge Sandoval, ouvrier de 26 ans, se félicite de la détention de Castillo: «C’est bien. Je ne suis ni pour Castillo ni pour (la nouvelle présidente Dina) Boluarte. Je manifeste pour le Pérou, pour la dissolution du Parlement, des élections et une assemblée constituante. Le peuple doit décider.»

De nombreux policiers et membres des forces armées avaient été déployés pour encadrer la manifestation qui a été dispersée à coups de gaz lacrymogène en début de soirée. «Il faut une réponse énergique, autoritaire» face aux violences, avait lancé le ministre de la Défense, Alberto Otarola, soulignant que l'état d'urgence comprenait «la suspension de la liberté de circuler et de réunion» avec «possibilité de couvre-feu». Devant la caserne de police où est détenu Pedro Castillo, à Até (est de Lima), nombre de ses soutiens campent et réclament sa libération.

Élections anticipées

Les adversaires du camp Castillo affirment qu’une partie de son soutien provient du Movadef, l’aile politique du Sentier Lumineux, la guérilla maoïste qui a fait des milliers de morts au Pérou dans les années 1980 et 1990. Le pouvoir tente de faire respecter l’ordre par la force mais aussi d’apaiser le mécontentement en accédant à certaines revendications.

Dina Boluarte, ancienne vice-présidente de Pedro Castillo arrivée au pouvoir après la destitution de ce dernier, a annoncé vouloir à nouveau avancer le calendrier électoral «à décembre 2023». Dina Boluarte, qui cristallise sur sa personne une partie du mécontentement, s’était déjà engagée dimanche à les avancer de 2026 à avril 2024, sans pour autant enrayer les protestations.

(AFP)

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