FootballJean-François Collet: «Je suis le premier responsable de la situation à Xamax»
Face au début de saison chaotique de son club, le propriétaire et président de NE Xamax s’est fendu d’une lettre d'excuses aux supporters et partenaires. L’occasion de faire le point sur la situation actuelle.
- par
- Brice Cheneval
Qui dit fin de trêve internationale dit retour aux affaires courantes pour les clubs. Comme tous les championnats, la Challenge League reprend ce week-end et, avec elle, les soucis de Neuchâtel Xamax. Après huit journées, les Rouge et Noir occupent la dernière place du classement et n’ont toujours pas remporté la moindre victoire.
À quelques jours d’un déplacement à Thoune (vendredi, 20h15), Jean-François Collet s’est adressé aux supporters et partenaires du club à travers une lettre, dans laquelle il s’excuse pour ce «début de saison cauchemardesque» et se place comme le «principal responsable de cette situation». Au passage, l’ancien président du Lausanne-Sport égratigne l’ancien staff mené par Andrea Binotto (licencié fin août), évoquant «une préparation estivale indigne d’une équipe professionnelle», qui «a mis à mal la confiance de notre groupe et n’a pas permis une bonne intégration des nouveaux joueurs».
Contacté par nos soins, Jean-François Collet livre les contours de cette lettre et s’épanche sur les difficultés de son club.
Voilà un mois que vous avez changé d’entraîneur. À l’époque, vous étiez intervenu dans les médias pour calmer l’incendie. Pourquoi rédiger une lettre à ce moment précis?
Il n’y avait pas vraiment de timing. Cette lettre n’était pas calculée, elle venait d’un sentiment personnel. Je trouvais que c’était important de m’adresser personnellement aux gens qui soutiennent concrètement le club, sans passer par un média. Je voulais leur montrer que je suis conscient que le boulot n’a pas été bien fait, que je m’en sens responsable et leur témoigner ma reconnaissance pour leur soutien.
Ce n’est pas la première fois que vous traversez une période de crise sportive. Comment vivez-vous celle-ci par rapport aux précédentes?
Ce n’est pas comparable. Enchaîner huit matches sans victoire n’a pas le même impact en début de championnat qu’en cours de saison.
Comment est l’ambiance au sein du club en ce moment?
Paradoxalement, elle est plutôt bonne. On a un bon groupe. Humainement, nos joueurs sont de bons mecs. Ils travaillent et n’ont qu’une envie, se sortir de cette spirale. Au vu des matches, on ne peut pas leur reprocher un manque d’envie.
Dans votre lettre, vous imputez l’entame ratée de l’équipe à une «une préparation estivale indigne d’une équipe professionnelle». Qu’entendez-vous clairement?
Je ne m’attaque pas spécifiquement à Andrea Binotto. En tant qu’entraîneur principal, il est clair que sa responsabilité est plus importante que les autres, mais ce serait injuste de rejeter la faute uniquement sur lui. C’est un problème global de staff. On a commencé le championnat en n’étant pas prêt. Andrea l’avait d’ailleurs confirmé dans vos colonnes. Certains joueurs étaient titulaires alors qu’ils n’avaient pas participé à la préparation. Après, il y a eu une perte de confiance. Quand vous perdez chaque semaine, le doute s’insinue, y compris au sein du staff. Il y a eu beaucoup de changements de systèmes… Cela nous a mis dans cette spirale négative. L’entraîneur était pourtant satisfait de l'effectif avant le début du championnat. On l’avait construit avec lui et il le considérait compétitif. Ceci dit, il n’y a pas que la préparation à remettre en cause. La campagne de recrutement n’a pas non plus été optimale à tous les niveaux, par exemple. C’est un ensemble de choses. C’est la raison pour laquelle j’estime être le premier responsable de cette situation.
En quoi estimez-vous être responsable des problèmes de l’équipe?
Parce que c’est moi qui ai choisi les gens à la tête de la direction sportive, du recrutement. Qui ai validé, aussi, les recrues.
Vous indiquez refuser de vous «cacher derrière des excuses liées à l’arbitrage ou à la malchance». Cela ressemble quand même à un tacle adressé à Andrea Binotto…
Non, vraiment pas. Jeff Saibene (ndlr: le nouvel entraîneur) vient de se faire suspendre après notre défaite contre Thoune en Coupe (ndlr: 1-2 le 16 septembre) parce qu’il s’est plaint de l’arbitrage de manière un peu trop véhémente. On a joué de malchance et on a subi des fautes d’arbitrage, j’en suis convaincu, mais ce n’est pas ça qui fait qu’on se retrouve là aujourd’hui.
Vous assurez que «l’arrivée du nouveau staff a permis d’amener davantage de sérénité dans le groupe». Qu’est-ce qui a changé?
La nouvelle approche a apporté un peu d’oxygène. Le staff actuel était évidemment moins touché que le précédent par les mauvais résultats et a amené une autre dynamique ainsi que du calme. Et puis Jeff Saibene a une vision assez claire de la manière dont il voit le football, dont il veut jouer. Il a des bases solides sur lesquelles travailler. Dans notre situation, c’est positif. Je ne sous-entend pas qu’Andrea Binotto n’était pas bon, mais on avait besoin de quelqu’un qui vienne avec des idées un peu plus carrées. Son préparateur physique (ndlr: Hugo Cabouret) possède également une grosse personnalité, un caractère fort, et ça fait du bien à l’équipe.
Depuis que vous avez repris Xamax, en décembre 2019, le club a connu une relégation en Challenge League et se débat pour ne pas tomber plus bas. Croyez-vous encore en le projet que vous avez instauré, centré sur les jeunes?
L’année où j'ai repris le club, tout le monde nous voyait comme le favori à la relégation. Je ne dis pas que je n’ai aucune responsabilité dans cette issue, parce que j’en ai une, mais je ne me l’attribuerais pas à 100%. Je suis arrivé en cours de saison, l’équipe était déjà construite, le Covid est arrivé par-dessus… Il faut prendre en compte le contexte. On est passé en très peu de temps d’un budget de 9,5 millions de francs à 4,5 millions pour rapprocher les comptes de l’équilibre. On avait des circonstances atténuantes. La saison passée, ce n’était pas si mal que ça: on termine 6e, on est parvenu à intégrer pas mal de jeunes. On sentait un net progrès. En revanche, cette année c’est problématique parce qu’il nous paraissait important de poursuivre notre progression. On peut encore redresser la barre mais si on n’y arrive pas, il s’agirait d’un coup de frein pour le projet qu’on essaye de mettre en place. Ceci dit, je ne changerai pas la voie qu’on a choisie, parce que j’estime que c’est la seule qui a un sens pour un club comme Xamax. Je ne remet pas en cause le projet, mais la manière dont on travaille.
Quel est votre plan, à moyen terme, pour permettre à Xamax de se stabiliser dans le haut de tableau en Challenge League?
On sait exactement où aller. J’ai établi une planification stratégique jusqu’en 2026 et si je m’y réfère, on est plutôt bien aujourd’hui. Quand on voit le nombre de jeunes de l’académie intégrés en équipe première, la structuration de l’académie, la hausse des abonnements, les aspects financiers, marketing, réseaux sociaux, digitaux… Il n’y a pas que le sportif, mais il est clair que c’est le plus important dans un club de foot. C’est la vitrine du club, le moteur. Je ne peux pas me cacher derrière tout ce qu’on fait de bien dans les autres domaines. Maintenant, il faut que les résultats suivent et qu’on progresse.
Difficile d’agir autrement vu la situation, mais vous vous efforcez à diffuser énormément d’optimisme dans vos propos…
J’ai confiance en cette équipe, elle a du potentiel. Il y a de la qualité, une profondeur de banc. Il y a eu quelques lacunes dans le recrutement, on s’est peut-être planté à quelques postes et cela se répercute sur nos performances mais dans l’ensemble, on n’a rien à faire à la place qu’on occupe actuellement. Jeudi, on a affronté Annecy (ndlr: pensionnaire de Ligue 2 française) en amical et on a livré un bon match (ndlr: 1-1). On s’est montré beaucoup plus solide, structuré, et c’était déjà le cas contre Thoune en Coupe. On n’a plus ces moments où on perd complètement pied. Les joueurs savent mieux ce qu’ils doivent faire.