Proche-OrientL’Espagne, une voix en soutien des Palestiniens au sein de l’UE
Proche du monde arabe, Madrid tente de pousser une ligne plus favorable aux aspirations palestiniennes. Jeudi, son Premier ministre défendra l’approche, lors d’une visite au Proche-Orient.
Reconduit voilà une semaine pour un nouveau mandat de quatre ans, le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, va rencontrer, avec son homologue belge Alexander de Croo, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, en Israël, et le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en Cisjordanie.
Cette visite se poursuivra vendredi, en Égypte, où Pedro Sánchez, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, et Alexander de Croo, qui lui succèdera dans cette mission, le 1er janvier, s’entretiendront avec le président Abdel Fattah al-Sissi et le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit. C’est l’occasion, pour le Premier ministre espagnol, de renouveler son appel à un cessez-le-feu durable à Gaza et à la tenue d’un sommet pour la paix, aboutissant à une solution politique au conflit entre Israël et les Palestiniens, sur la base de deux États.
Lors de son discours de politique générale, mercredi dernier, Pedro Sánchez a promis que le «premier engagement» de son nouveau gouvernement en matière de politique étrangère serait d’«œuvrer en Europe et en Espagne pour reconnaître l’État palestinien». Il s’est dans le même temps dit «aux côtés d’Israël» face «à l’attentat terroriste» commis par le Hamas, le 7 octobre, tout en appelant l’État hébreu à mettre fin à la «tuerie aveugle de Palestiniens».
Selon Isaías Barreñada, professeur à l’Université complutense de Madrid, Pedro Sánchez espère que son positionnement aura «un effet d’entraînement» sur le reste de l’UE, à un moment où les pays occidentaux font l’objet de critiques dans le monde arabe, où ils sont jugés trop favorables à Israël.
En relation avec Israël que depuis 1986
En 2014, sous un gouvernement conservateur, le Parlement espagnol avait déjà adopté une résolution appelant à la reconnaissance de l’État palestinien, soutenue par l’ensemble des formations politiques. Ce vote, non contraignant, n’a toutefois pas été suivi d’effets. En Europe, plusieurs pays ont franchi ce pas, à l’image de la Suède, de la Hongrie, de Malte ou de la Roumanie. Mais aucun des principaux États membres de l’UE ne l’a fait, ce qui pourrait conduire l’Espagne à faire figure de pionnière.
Géographiquement proche du Maghreb, l’Espagne s’est tournée vers les pays arabes durant la dictature de Franco (1939-1975), afin de contourner son isolement en Occident. Ce n’est qu’en 1986 que le pays a établi des relations officielles avec Israël. La conséquence de tensions nées de l’opposition de l’État hébreu à l’entrée de l’Espagne dans l’ONU, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en raison de sa proximité avec l’Allemagne nazie, rappelle Isaías Barreñada.
«Génocide planifié»
Mais globalement, l’Espagne reste perçue par de nombreux acteurs comme proarabe. Fin octobre, une minicrise diplomatique a même éclaté avec l’ambassade d’Israël, après des déclarations controversées d’une ministre espagnole d’extrême gauche qui avait parlé d’un «génocide planifié» à Gaza.
Au vu des divergences au sein de l’UE, «il est difficile d’imaginer que l’Espagne ait la capacité de réorienter la position européenne», mais «elle peut contribuer à montrer qu’il existe, au sein de l’UE, des sensibilités différentes», estime Isaías Barreñada.
Une conférence de paix en 1991
Madrid est ensuite allé jusqu’à jouer les médiateurs, accueillant ainsi, en 1991, une Conférence de paix, avec pour la première fois l’ensemble des parties arabes en conflit direct avec l’État hébreu: Palestiniens, Syriens, Jordaniens et Libanais. Deux ans après cette conférence, les accords d’Oslo, à travers lesquels Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se reconnaissaient mutuellement, étaient signés à Washington.