FootballKobel et la Suisse, les dessous d’une relation tumultueuse
Le portier de Dortmund a à nouveau jeté l’éponge. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons? Gros plan sur un malaise qui dure.
- par
- Daniel Visentini - Copenhague
La Suisse a de la chance. Elle a plusieurs gardiens de haut niveau et Yann Sommer comme No 1. Au Danemark ce soir et en Irlande ensuite, mardi, Murat Yakin pourra compter sur le portier de l’Inter. Yvon Mvogo est là pour le remplacer le cas échéant. Et David von Ballmoos a été appelé. Le gardien d’YB n’est là que pour une raison: Gregor Kobel est absent.
Le dernier rempart du Borussia Dortmund est reparti en Allemagne. Officiellement, comme il revient de blessure, il s’agit de ne pas prendre de risques. C’est d’ailleurs toute la teneur du communiqué de l’ASF qui a en quelques lignes seulement expliqué la situation. «Gregor Kobel quitte aujourd’hui (ndlr: le 20 mars) le camp de l’équipe nationale et rentre en Allemagne pour se préparer aux prochains matchs dans son club. Kobel est revenu récemment de blessure et, d’un commun accord entre le BVB et l’ASF, il ne doit plus prendre de risques afin d’être complètement rétabli.»
Il est donc clairement précisé que Kobel «est revenu récemment de blessure», donc qu’il n’est plus blessé, mais aussi qu’il ne «doit plus prendre de risques afin d’être complètement rétabli», donc qu’il serait encore un peu blessé, à tout le moins convalescent. Le flou.
Attitude qui pose problème
Le flou, c’est ce qui entoure la relation tumultueuse entre Gregor Kobel et l’équipe de Suisse depuis un bon moment déjà. Sur le fond, une question légitime: est-il le meilleur gardien suisse en activité et doit-il prendre la place de Sommer dans la cage? Dans la forme, une attitude qui pose problème: ce n’est pas la première fois que Kobel s’affranchit d’un passage sous le maillot helvétique pour se concentrer sur son club, prétextant ou pas des blessures, peut-être bien parce qu’être le No 2 ne lui convient pas.
En tout cas, cela ne convient pas à son agent, Philipp Degen, qui l’a dit tout haut en fin d’année passée. Murat Yakin avait désigné pour l’Euro 2024 le gardien No 1: «Yann Sommer restera le numéro un, nous l’avons clairement communiqué, avait asséné le sélectionneur. Ce sera aussi le cas en 2024. Et dans cette situation, Yann Sommer sera dans les buts l’été prochain.» Réaction de Degen? «Décider de la sorte à ce stade de la saison va à l’encontre du principe de performance, s’est-il énervé. Gregor est l’un des meilleurs gardiens du monde et on lui fait comprendre que ses performances n’ont aucune importance. C’est un très mauvais signal.»
On peut toujours ergoter, s’interroger, surtout après le Mondial en demi-teinte de Sommer. Mais s’il est un poste qui demande de la clarté dans les choix de l’entraîneur, c’est bien celui de gardien de but. Murat Yakin a fait un choix. C’est comme cela.
Le doute subsiste
C’est le reste qui dérange, l’attitude de Gregor Kobel, donc. On ne sait pas jusqu’à quel point certaines de ses blessures sont sérieuses ou pas, mais tout se passe comme s’il prenait l’échappatoire précisément parce qu’il sait qu’il n’est que le No 2. Tout le problème est là. Si tous les remplaçants d’une sélection, ceux qui sont juste derrière les titulaires, se trouvaient des excuses pour ne plus venir, même lors de matches amicaux, cette sélection existerait mal, ou plus du tout.
Kobel est sans doute un excellent gardien, il peut même être meilleur que Sommer (cela reste à voir tout de même avec la saison de Sommer à l’Inter), mais il se trouve que dans la hiérarchie suisse, il est le No 2. Il a manifestement de la peine à l’accepter et c’est tout le souci.
Qu’un joueur veuille tout faire pour être calife à la place du calife est sain. Qu’il veuille se soustraire au principe de concurrence, même s’il estime le choix opéré au final injuste, est malsain. L’Euro en Allemagne, c’est dans moins de trois mois: la posture trop souvent prise par Gregor Kobel est une pierre dans le jardin de la sélection. Parce qu’on ne peut pas honorer une convocation en équipe nationale seulement si l’on sait que l’on va être titulaire.
On veut croire que Kobel, revenant de blessure, n’était vraiment pas prêt pour ces deux rencontres amicales contre le Danemark et l’Irlande. Mais le doute subsiste. On veut croire qu’il dira bientôt qu’il sera le fidèle No 2 de Sommer à l’Euro et qu’il l’accepte. Mais on doute aussi.