Critique: «Avatar 2», un spectacle total, un blockbuster au sommet

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Critique«Avatar 2», un spectacle total, un blockbuster au sommet

Avec «La voie de l’eau», le grand James invite la famille Sully en bord de mer. Un Cameron en forme malgré un soupçon de recyclage.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet

Dans «Avatar» (2009), premier du nom, les Na’vis, peuplade humanoïde de la planète Pandora, assistés de l’ex soldat Jake Sully, sont parvenus à botter les fesses d’une belliqueuse corporation humaine plus intéressée à extraire du minerai à tout prix que de respecter l’équilibre naturel des territoires qu’elle souillait. À la fin du film, les foreurs et l’armée vaincue sont expulsés sans ménagement, seuls quelques scientifiques bénéficient de l’hospitalité d’une population qui a payé dans sa chair la tentative de colonisation. Quant à Jake Sully, paraplégique lorsqu’il réintégrait sa carcasse, il a gagné de manière permanente un corps bleu sain et puissant, des oreilles en pointe, une longue queue dorsale et une compagne.

Pour bien indiquer d’où l’on vient, on admire «Avatar» parce qu’on aime la science-fiction, parce que les effets spéciaux du film étaient ce qui se faisait de mieux en 2009, et puis la 3D stéréoscopique, cela paraissait l’avenir, c’était si bien amené. Du côté de l’histoire, connaissant le petit père Cameron – technophile, talentueux et besogneux – on n’avait guère été étonné de découvrir un périple droit dans ses bottes, parfaitement construit, parfaitement interprété mais sans ambiguïté. Treize ans plus tard, on reste admirateur essentiellement pour ces dernières raisons. Car la 3D au cinéma s’est étiolée, libre à James de tenter de lui redonner une raison d’être. Aussi car les effets font ce que font tous les effets, ils vieillissent (mais plutôt bien pour «Avatar», cela dit). Le film, lui, reste carré, solide et nous procure toujours une grande gorgée de plaisir simple à chaque nouvelle vision de sa version plate. Comme le ferait un bon classique.

La voie de l’eau

Autant dire que nous attendions «Avatar – La voie de l’eau», l’œil frémissant et un filet de bave à la commissure des lèvres.

Une bande-annonce d’«Avatar – La voie de l’eau»

20th Century Studios

Au terme de plus de trois heures de projections, on ressort estomaqué de la séance 3D en Imax (on n’en espérait pas moins) et convaincu d’avoir visionné le meilleur blockbuster de ces dernières années. Quant au film à proprement parler, c’est plus compliqué… On y vient.

Quelques jours heureux

Jake Sully et Neytiri ont fondé une famille et coulent des jours heureux avec le peuple de la forêt. Mais un soir où papa et maman batifolent sans les enfants (en chevauchant leur monture ailée, car c’est comme ça qu’on batifole sur Pandora), ils observent d’inquiétantes lueurs dans le ciel. Les Terriens sont de retour. En force. Et il suffit qu’une station spatiale atteigne le sol pour que les rétrofusées déclenchent une catastrophe écologique majeure. C’est dire s’ils n’ont rien appris.

Le paragraphe suivant contient un minispoiler, passez-le si vous le jugez nécessaire même si ce ne sont que les premières minutes du film qui sont ici révélées.

Comme la planète mère est toujours mourante, les colonisateurs revanchards ont cette fois bien décidé de faire de Pandora leur nouvelle Terre et de pacifier à la dure les autochtones. Et qui ramènent-ils dans leur bagage afin de leur donner un petit coup de main? Ce bon vieux colonel Quaritch, pourtant tué par deux flèches tirées par Neytiri dans le premier «Avatar». Car les patrons du militaire borné avaient tout prévu et avaient conservé son génome sur Terre. C’est donc dans un corps de Na’vi tout neuf que l’image du vétéran revient faire sa fête à Jake Sully. Sentant la menace planer sur le peuple de la forêt, Jake et les siens décident de fuir et de se cacher loin sur la côte en espérant bénéficier de l’accueil du peuple de la mer.

Changement de décors

Voici comment «la voie de l’eau» justifie son changement radical de décors. Une forêt tropicale contre un océan grouillant de vie. Mais qui dit changement de décors, dit aussi autres habitants, autres coutumes, autres mœurs. Et puis l’eau, ça mouille. Il faut apprendre à nager dedans. Une grande partie du film est donc consacrée à l’acclimatation (difficile) de la famille Sully et à la découverte de la faune et de la flore maritime qui les entourent. C’est la partie Jacques-Yves Cousteau où les yeux s’écarquillent. C’était magnifique. On a trouvé l’eau si belle qu’on s’y est baigné. Sans voir le temps passer.

Mais il était évident que le temps de l’affrontement allait venir. C’est inscrit dans les gènes du blockbuster et dans ceux de James Cameron lui-même. Là encore le cinéaste excelle. Il bénéficie de moyens plus qu’opulents, certes, mais en fait comme toujours très bon usage. Sa mise en scène est d’une totale limpidité. Les scènes d’actions s’enchaînent, les morceaux de bravoure s’empilent, tout est efficace et clair avec, de-ci de-là, quelques plans de génie.

Les limites du sommet

Voilà pourquoi «La voie de l’eau» nous paraît être à la fois du James Cameron au sommet de son art mais aussi une synthèse de ses limites. Le récit, le conte, la parabole écologique n’avance finalement que très peu dans cette suite. Et puis l’affrontement entre les Sully et le colonel frontal, c’était déjà la fin du premier «Avatar.» Bien sûr, Cameron le sait, il trouve des parades, des rebondissements dans son action, il parvient toujours à surprendre in extremis. Et «Avatar 2» finit par trouver sa voie. Mais en même temps, Cameron recycle parfois. Ici avec une pointe d’«Abyss», là avec un soupçon de «Titanic». Pour la première fois, on a eu l’impression que certains de ses suspenses étaient des reprises. L’originalité sacrifiée sur l’autel de l’efficacité.

Dernière réticence, encore plus difficilement évitable celle-là. «Avatar 2» sera suivi d’un «Avatar 3» dont les prises de vues sont achevées. Quoi qu’il advienne, cette suite verra le jour. Elle est ainsi non seulement mise en place mais aussi annoncée dans «La voie de l’eau», ce qui prive à cet épisode 2 d’être un objet fini, qui se suffit à lui-même, comme l’était le premier «Avatar». C’est un peu un «Star Wars: L’Empire contre-attaque» dans une autre galaxie lointaine, très lointaine. Cela aurait pu être bien pire, cela dit.

Un brin de masochisme

En résumé, si vous êtes fâchés avec «Avatar», premier du nom, disons parce que vous aviez trouvé l’histoire un peu cul cul la praline, «La voie de l’eau» ne changera probablement pas votre opinion. En revanche, si l’efficacité et le classicisme de Cameron vous avaient séduits aucun de nos griefs ne devrait vous dissuader. Car si certains aiment Cameron (son cinéma, bien sûr) malgré ses défauts, on l’aime pour notre part aussi pour eux. Un brin de masochisme, peut-être.

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