Selon l’ONULes viols en Ukraine sont «une stratégie militaire délibérée» des Russes
C’est ce qu’estime la représentante spéciale de l’ONU Pramila Patten, qui dénonce «des cas horribles et des violences très brutales».
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Des militants protestant contre les viols pendant la guerre lors d’une manifestation au consulat de Russie à New York, en mai 2022.
AFPLes viols et agressions sexuelles attribués aux forces russes en Ukraine constituent clairement «une stratégie militaire» et «une tactique délibérée pour déshumaniser les victimes», estime la représentante spéciale de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Pramila Patten. Elle dénonce «des cas horribles et des violences très brutales». «Toutes les indications sont là», répond Mme Patten, interrogée par l’AFP jeudi à Paris sur le viol comme arme de guerre en Ukraine.
«Le sommet de l’iceberg»
«Quand des femmes et des filles sont séquestrées pendant des jours et violées, quand vous commencez à violer des petits garçons et des hommes, quand on voit une série de cas de mutilations d’organes génitaux, quand vous entendez les témoignages de femmes évoquant des soldats russes équipés de viagra, c’est clairement une stratégie militaire. Et quand les victimes évoquent ce qui a été dit pendant les viols, il est clair que c’est une tactique délibérée pour déshumaniser les victimes» dit l’avocate mauricienne.
L’ONU a vérifié «plus d’une centaine de cas» de viols et agressions sexuelles en Ukraine depuis le début de la guerre, mais «ce n’est pas une question de chiffres», insiste Mme Patten. «Il est très compliqué d’avoir des statistiques fiables pendant un conflit actif, et les chiffres ne vont jamais refléter la réalité, parce que les violences sexuelles sont un crime silencieux, le moins signalé et le moins condamné», souligne-t-elle, évoquant la peur des représailles et de la stigmatisation. «Les cas signalés ne représentent que le sommet de l’iceberg».
Les victimes sont prioritairement des femmes et des filles, mais aussi des garçons et des hommes, indique la responsable onusienne, citant le rapport fin septembre de la commission d’enquête internationale indépendante. Ce rapport «a confirmé des crimes contre l’humanité commis par les forces russes, et selon des témoignages recueillis, l’âge des victimes de violences sexuelles varie de 4 ans à 82 ans. Il y a beaucoup de cas de violences sexuelles sur des enfants, qui sont violés, torturés et séquestrés», souligne-t-elle.
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Pramila Patten est la représentante spéciale de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.
Getty Images via AFPPrise de conscience internationale
Le viol comme arme de guerre existe dans tous les conflits, mais selon Mme Patten, la guerre en Ukraine marque une «prise de conscience» internationale. «Il y a désormais une volonté politique pour combattre l’impunité, et un consensus aujourd’hui sur le fait que les viols sont utilisés comme tactique militaire, une tactique de terreur», analyse-t-elle. «Est-ce que c’est parce que ça se passe au cœur de l’Europe? La réponse se situe peut-être là», ajoute-t-elle, en espérant que l’Ukraine n’éclipsera pas les autres conflits.
Un autre grand sujet d’inquiétude, pour la représentante de l’ONU, est le risque de traite des personnes. «Les femmes, les filles et les enfants qui ont fui l’Ukraine sont très très vulnérables, et pour les prédateurs, ce n’est pas une tragédie ce qui se passe dans ce pays, c’est une opportunité. La traite des personnes est un crime invisible, mais c’est une crise majeure», prévient-elle. Depuis que la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février, plus de 7,6 millions de réfugiés ukrainiens ont été enregistrés comme réfugiés à travers l’Europe.