FootballAnalyse: Assan Ceesay, le héros improbable
Auteur de 18 buts en Super League, le Gambien a largement contribué au titre du FC Zurich. Alors que personne ne croyait en lui. Décryptage d’une progression.
![Valentin Schnorhk](https://image.lematin.ch/2024/11/12/874fbfd4-e16f-4b57-abe2-b3b12354b93b.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C662%2C2662%2C1497&fp-x=0.4838467317806161&fp-y=0.25125&crop=focalpoint&s=9d5df0eba056fcb256b1724824272a4a)
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Personne ne l’aurait invité à la table des héros. Alors, Assan Ceesay s’y est fait une place tout seul. Le Gambien a inscrit son 18e but en Super League à Bâle dimanche, mettant le FC Zurich sur le chemin du titre de champion de Suisse. Inattendu. Avant cette saison, il n’avait jamais marqué plus de trois buts sur une même édition de Super League. Et à l’échelon inférieur, il plafonnait à huit réalisations en 2017-18.
![Assan Ceesay peut célébrer le titre du FCZ: il aura marqué de son empreinte cette saison. Assan Ceesay peut célébrer le titre du FCZ: il aura marqué de son empreinte cette saison.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/33ac3c8c-0a69-43d8-af87-e78319d50a10.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.5&fp-y=0.5003663003663004&s=821583cacbc55a1a4ef530961ec14760)
Assan Ceesay peut célébrer le titre du FCZ: il aura marqué de son empreinte cette saison.
freshfocusTenter de raconter la mue de Ceesay et ses 28 ans, c’est un peu expliquer l’inexplicable. Même s’il y a des éléments tangibles qui témoignent d’une progression. Notamment au niveau statistique. Sans oublier un contexte qui l’a assurément favorisé. Décryptage.
Plus juste dans le dernier geste
Mais où Assan Ceesay est-il véritablement devenu meilleur? Par la force des choses, il se procure un peu plus d’occasions que lors de ses précédentes saisons en Super League (excepté en 2018-19). Question de contexte, forcément. Zurich a réalisé une saison pleine, et il en est l’attaquant numéro un. Ainsi, ses Expected Goals ont grimpé sous l’effet de la quantité. Mais rapporté au nombre de tirs, la donnée ne révèle aucune progression. Difficile donc de dire que Ceesay se procure des occasions de meilleure qualité.
En revanche, une statistique est à même de donner des explications sur ce qu’il fait de mieux cette saison: la précision de ses tirs. Sur dix tentatives, il en cadre six. Et même si cela ne sous-tend pas forcément une chance de but augmentée, il y a au moins là une piste d’explication. Ce taux de «cadrage» est exceptionnel en Super League. Seul l’attaquant de Young Boys Wilfried Kang fait un petit peu mieux (60,4%). En revanche, le meilleur buteur Jordy Siebatcheu n’atteint pas les 40%, alors que Duah et Amdouni sont à 44%. Cabral, avant son départ, affichait un taux de 47,8%. Bref, Ceesay a mis toutes les chances de son côté en visant le but.
Un contexte favorable
Tactiquement, il est possible de constater, mais aussi d’expliquer cette progression. D’un point de vue collectif, déjà, l’approche du FC Zurich lui sied très bien. «Notre jeu, composé d’attaques directes et rapides, convient parfaitement à Assan», acquiesçait l’entraîneur André Breitenreiter durant la saison.
Il n’y avait bien sûr pas que ça dans le jeu du FCZ cette saison, mais cela constituait l’option première: peu de possession et une recherche de la transition à la récupération. Ou, à défaut, une construction verticale avec pour but de se dégager des espaces dans le dos de la défense adverse.
Ceesay en a largement profité, en se créant une proportion importante de ses occasions grâce à son exploitation de la profondeur. Sa vitesse lui aura régulièrement permis de solliciter le ballon dans les espaces qui s’ouvraient, où peu de défenseurs adverses étaient capables de le suivre.
Des appels «logiques»
Rien de véritablement nouveau, toutefois. Les qualités de Ceesay ont toujours été reconnues comme étant celles-ci. Encore fallait-il se mettre dans les meilleures conditions à chaque fois. Il a donc fait combiner l’approche collective avec ses qualités individuelles. En l’occurrence, l’absolue nécessité de se mettre sur son pied gauche, autrement plus performant que son pied droit.
Mais pas uniquement en termes de qualités de frappe, ou de technique dans un espace réduit. En fait, l’attaquant gambien affiche une véritable préférence motrice qui lui permet d’optimiser son jeu une fois qu’il est orienté pour jouer le ballon de son bon pied. Il effectue donc ses appels dans cette idée-là. Ainsi, dans le Zurich de cette saison, on l’aura très souvent vu partir de l’axe pour faire une course vers le côté gauche. Là où il peut ensuite s’emmener le ballon.
Cette prise de conscience (explicite ou implicite) lui permet d’adapter ses courses à la situation de jeu. Constamment en orientant son corps en fonction de son positionnement et de celui du passeur. Sa trajectoire de course s’adapte ensuite au comportement de ce dernier. Et une fois sur son pied gauche, il peut terminer de la meilleure façon possible.
Ses meilleures actions se sont donc le plus souvent terminées par une course partant de l’extérieur du terrain (à gauche) pour aller vers l’intérieur et frapper dans un angle plutôt fermé. Mais il aura également sollicité des ballons en partant de la droite et en cherchant à orienter son appel vers l’intérieur. Donc sur son pied gauche. Alors il s’agissait pour lui d’éliminer un défenseur par un crochet pour s’ouvrir un angle de frappe. Un schéma un peu moins efficace, puisque le temps perdu permet aux adversaires de revenir.
Un jeu étoffé
Si Assan Ceesay a performé, c’est aussi parce qu’il a fait plus que simplement jouer sur ses qualités évidentes. Sur ses 18 buts, tous ont été marqués de l’intérieur de la surface (dont seulement un penalty). Il peut bien sûr y avoir de la profondeur, mais pas tout le temps. Surtout lorsqu’on est en tête de Super League, amenant les espaces à se réduire. Ainsi, Ceesay a trouvé le moyen d’augmenter son total de buts en parvenant à se mettre en bonne position aussi dans ces conditions.
Par exemple, il faut lui reconnaître une capacité à se retourner très rapidement pour se mettre dans l’axe du but. Et s’ouvrir ainsi des angles de frappes très favorables. Là encore, sa préférence motrice ressort: il pivote beaucoup plus facilement vers son pied gauche que vers le droit. Il peut ensuite dégainer très rapidement.
Aussi, il a montré à quelques reprises être capable de jouer dos au but, en se servant de son défenseur au marquage. Soit pour se retourner, soit pour jouer en remise. Cela aura offert quelques buts au FCZ dans sa conquête du titre. Au même titre que son jeu de tête. Ceesay a marqué trois buts de la sorte, dont celui de dimanche.
Et puis, il importe aussi de relever son altruisme. Les qualités évoquées au préalable ont aussi servi ses partenaires. En effet, l’ex-attaquant de Lugano a donné 7 passes décisives en plus de ses 18 buts. En étant impliqué directement sur 25 buts, il est le joueur le plus décisif du championnat au soir de la 32e journée.
Encore des limites
La progression d’Assan Ceesay est évidente. Mais elle est surtout marquante pour son habileté à masquer ses limites. Reste que certaines sont encore là. La plus notable? Ses difficultés dès lors qu’il est «condamné» à jouer sur son pied droit, et qu’il n’a plus de vitesse. Au point de ne pas trouver d’autres solutions que de se forcer à se mettre sur son bon pied. Mais parfois, les conditions ne le favorisent pas.
Ainsi, qui voulait bloquer Ceesay cette saison devait pouvoir l’orienter sur son pied droit tout en réduisant l’espace dans lequel il peut se projeter. Tout le monde le savait. Mais le Gambien était sur un petit nuage. Cette saison aura été la sienne.