Conflit en IsraëlLe président palestinien Abbas, victime collatérale de la guerre
Depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le président palestinien Mahmoud Abbas, 88 ans, s’est fait discret et s’accroche à un règlement négocié du conflit israélo-palestinien.
Inaudible, jugé déconnecté de son peuple et confronté à une grogne de la rue, le président palestinien Mahmoud Abbas apparaît comme une victime politique collatérale de la guerre qui fait rage à Gaza entre ses rivaux du Hamas et Israël.
Le processus de paix d’Oslo dont il a été le grand architecte en 1993 et qui était censé conduire à la création d’un Etat palestinien a beau être dans une impasse totale depuis plus de dix ans, Mahmoud Abbas s’accroche toujours à un règlement négocié du conflit israélo-palestinien.
Et ce malgré l’intensification de la colonisation israélienne qui morcelle la Cisjordanie, au point d’empêcher pratiquement la création d’un Etat palestinien continu et viable, malgré l’augmentation des violences entre l’armée israélienne et des groupes armés palestiniens et malgré la montée des exactions de colons juifs contre des civils palestiniens dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967.
Excédée par l’impuissance d’Abbas
Cette position tranche avec l’humeur d’une rue excédée par l’impuissance de Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne face à un gouvernement israélien formé fin décembre par Benjamin Netanyahu grâce au soutien d’une extrême droite partisane de la ligne dure face aux Palestiniens.
Depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël à partir de la bande de Gaza, Mahmoud Abbas est resté très discret, alors que de nombreux Palestiniens, partisans du Hamas ou pas, saluaient sur les réseaux sociaux ce qu’ils considèrent comme «une défaite humiliante» d’Israël, et affichaient leur soutien au groupe.
«Abbas dégage!»
Le 16 octobre, une déclaration publiée par l’agence officielle palestinienne dans laquelle Mahmoud Abbas affirmait que «les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien», a suscité des réactions indignées, avant d’être retirée.
Le lendemain, la frappe d’origine contestée dans l’enceinte de l’hôpital Ahli Arab de Gaza, qui a fait des dizaines voire plusieurs centaines de morts, a déclenché des manifestations en Cisjordanie. A Ramallah, des centaines de Palestiniens ont protesté aux cris d’«Abbas dégage! Dégage!» avant d'être dispersés manu militari.
Selon une enquête d’opinion publiée en septembre par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR), avant la guerre, 78% des Palestiniens étaient favorables à une démission de Mahmoud Abbas, 88 ans. Au pouvoir depuis 2005, son Autorité ne s’exerce que sur des portions de la Cisjordanie, après avoir été délogée de la bande de Gaza en 2007 par le Hamas. En outre, 58% des personnes interrogées étaient favorables à la «lutte armée» pour mettre fin à l’occupation israélienne, contre 20% pour un règlement négocié et 24% pour une «résistance pacifique».
«Perdant-perdant»
Aux yeux de ceux qui la contestent, «l’Autorité palestinienne est de plus en plus assimilée, soit par inaction, soit par coopération sécuritaire, à la politique d’Israël», estime le politologue Xavier Guignard, spécialiste des Territoires palestiniens. «Il y a vraiment la dénonciation qu’Abbas a été incapable de réagir à la hauteur de ce qui se passait à Gaza», ajoute l’expert du centre de réflexion Noria.
La position de Mahmoud Abbas est d’autant plus intenable qu’il est «poussé par les Etats-Unis et Israël à réprimer plus durement le Hamas et les autres groupes armés en Cisjordanie, ce qui éroderait davantage sa position», note-t-il.
«Coincée entre l’opinion publique et les attentes américaines, l’Autorité palestinienne a jusqu’à présent évité de prendre une position claire, ce qui ne l’a pas aidée non plus. Il se trouve donc dans une position perdant-perdant», ajoute l’analyste.