Skicross: Sixtine Cousin: «L’être humain n’est pas conçu pour être patient»

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SkicrossSixtine Cousin: «L’être humain n’est pas conçu pour être patient»

À 23 ans, la Genevoise revient fort sur le circuit de Coupe du monde. Avec la furieuse envie de mettre un frein au cercle vicieux des blessures.

Robin Carrel Veysonnaz
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Robin Carrel Veysonnaz
Sixtine Cousin, en Suède, il y a quelques semaines.

Sixtine Cousin, en Suède, il y a quelques semaines.

IMAGO/Bildbyran

Poignet, commotion, genou, pneumothorax en début de carrière… Et rebelote en décembre 2021 avec le combo ruptures du ligament croisé antérieur, du ligament interne et du ménisque au genou droit. Sixtine Cousin n’a jamais été tranquille, la blessure semblant la guetter à chaque virage et même dans une aire d’arrivée. Mais sa 5e place des derniers Mondiaux en Géorgie a montré qu’elle avait encore le feu sacré. Interview avant l’étape de Coupe du monde de Veysonnaz, prévue dimanche, devant ses amis et sa famille.

Comment ça se passe physiquement cette saison?

J’ai quand même passé presque deux ans en salle de force. Alors au bout d’un moment, ça a fini par être solide, quoi. Sinon, ça va top. J’ai un peu mal au genou de temps en temps, mais c’est la surcharge et je ne peux pas faire moins que ce que je fais maintenant. Je ne peux pas ne pas aller à l’entraînement. Comme ça n’empire pas, en fait, ça ne dérange pas et, quand je skie, je n’y pense pas. Donc voilà, ça va bien!

«Je trouve ça hyperdur de me dire qu’il faut que je change quelque chose pour sortir de ce cercle vicieux et de ne pas savoir quoi.»

Sixtine Cousin

Mais ça doit quand même travailler dans la tête au bout d’un moment, ce corps qui ne vous laisse pas tranquille.

En fait, le plus dur c’est que, pour moi, les choses n’arrivent pas par hasard. Alors une fois tu peux dire «c’est la malchance». mais tu ne peux pas toujours te le dire. C’est donc que, fondamentalement, il y a quelque chose que je fais faux. Et moi je n’ai pas trouvé ce que je faisais de faux. Les entraîneurs non plus. Personne! Alors on n’a pas de baguette magique, mais personne non plus n’a pu me dire: «tu fais ça, ça ou ça de faux». Je trouve ça hyperdur de me dire qu’il faut que je change quelque chose pour sortir de ce cercle vicieux et de ne pas savoir quoi. Je trouve super difficile d’être pleine de bonne volonté et que ça ne fonctionne pas. Parce que j’ai 23 ans, je n’ai pas la science infuse et je fais de mon mieux. Mais il y a forcément des choses que je fais faux et ne pas savoir ce que je dois changer pour pas que ça continue, c’est dur.

Mais du coup, peut-être que vous n’allez rien changer et ne rien vous casser pendant, non?

Peut-être! Enfin voilà, pour moi les choses n’arrivent pas comme ça et c’est que je fais ou j’ai fait et que maintenant je ne ferais plus…

Il n’y a pas un moment où vous en avez eu marre?

Souvent. Ouais, ouais. Mais après, c’est la vie et voilà. Enfin, encore maintenant, je n’ai pas encore eu ce moment où je me suis dit: «ok, ça valait la peine d’autant galérer». Même quand j’ai fini cinquième au championnat du monde, ça ne m’a pas fait dire que ça valait la peine. Parce que c’était vraiment tellement dur. C’était horrible quoi. J’ai passé des semaines entières à pleurer tous les jours. Et ce n’est pas cool de pleurer, je ne suis pas comme ça non plus, quoi. C’était dur. Et maintenant je suis un peu sortie de ça, j’espère. En fait, je trouve que le plus dur c’est de ne pas savoir pourquoi et pourquoi moi? Et pourquoi pas les autres? Et quand j’en vois d’autres qui tombent, et des vraies chutes, où moi je me serais tout cassé et qu’elles n’ont rien… Pourquoi elles n’ont rien et moi, en freinant dans l’aire d’arrivée, je me pète le genou?

Mais là, vous arrivez à apprécier ou vous avez l’appréhension que quelque chose va encore forcément arriver?

Non, je ne me dis pas qu’il va m’arriver quelque chose. Je me sens bien parce que je trouve que, physiquement, je suis hyperprête. Mais à chaque fois, des blessures m’ont stoppée dans ma progression. J’ai travaillé dur, je suis revenue et je me suis blessée. J’ai travaillé dur, je suis revenue et je me suis blessée. Et quand je vois les autres pour qui, entre guillemets, c’est facile, et qui enchaînent saison après saison, je me dis bien que ce n’est pas tellement juste. Honnêtement, je ne sais pas où j’en serais si tout était allé bien pour moi.

Mais bon, vous êtes encore très jeune!

Oui.

Et vous avez des bons résultats cette année, encore plus cette cinquième place aux Mondiaux. Ça doit quand même faire un peu du bien et vous permettre de vous dire que vous ne faites pas tout faux.

Non, pas tout faux, mais des «bons résultats»… Pour moi, faire cinquième, ce n’est pas incroyable. Voilà quoi. Par exemple, aux Championnats du monde, cinquième ou dixième, c’est pareil.

Vous arrivez quand même à vous dire que vous êtes sur le bon chemin?

Oui et non. Parce que l’être humain n’est pas conçu pour être patient. C’est facile de se dire que tu es jeune, que tu as le temps. Parce qu’un jour, tu te retrouves à 28 ans et ta meilleure place c’est cinquième… Ce n’est pas ça que je veux. C’est comme ici à Veysonnaz, finir seizième ou juste prendre la qualif, moi ça ne m’amuse pas. Et bon, cette saison c’est un peu une course bien, une course cata, une course bien… Ça, c’est à cause des blessures, je n’ai pas encore de continuité, de constance. Mais voilà, c’est la vie, ce n’est pas drôle tout le temps.

Mais là, ça va bien se passer cette fin de saison, vous allez travailler fort cet été et viser la victoire l’année prochaine…

La victoire? Je ne sais pas, c’est un peu dur chez nous quand même, avec Sandra Näslund qui remporte tout (ndlr: la Suédoise a tout gagné depuis mars 2021, à part une course sprint à Arosa, soit vingt succès individuels, plus deux par équipes, plus les titres mondial et olympique). Gagner veut peut-être dire faire deuxième… De toute façon, je fais de mon mieux et je ne peux pas faire plus que maintenant. Je ne peux pas m’entraîner plus. Je ne peux pas faire plus d’heures physiquement, sinon je fais un burn-out! Des fois, je finis treizième et je trouve que j’ai bien skié, mais d’autres ont fait mieux et c’est la vie. Par contre, parfois, je sens que je peux faire bien mieux et c’est un peu frustrant. Comme aux Mondiaux, par exemple, où j’ai pris le bâton d’une autre dans la figure. J’ai d’ailleurs encore une petite cicatrice sous le menton.

La Genevoise, il y a deux ans, à Veysonnaz.

La Genevoise, il y a deux ans, à Veysonnaz.

freshfocus

C’est bien d’avoir de l’ambition. Beaucoup se diraient qu’une cinquième place mondiale, c’est bien.

Oui, cinquième c’est bien. Ouais… Je me dirais que c’est bien quand j’aurais cinquante ans, quoi. Quand j’aurais arrêté.

Ce week-end, Veysonnaz n’est pas vraiment une course à domicile pour une Genevoise, mais pas loin, ça reste la Romandie. Ça confère un avantage?

Alors je pense que d’un point de vue technique, la piste ça ne change rien. Après les médias sont là, il y a ma famille qui vient, des potes qui viennent et ça, c’est un peu plus de pression. Par exemple, il y a plein de gens que je connais qui viennent dimanche et, si je ne me qualifie pas, j’ai l’air un peu bébête. J’ai plus de pression que la course où on est au fin fond du Canada et là, si je ne me qualifie pas… Alors que là, il y a plein de gens qui viennent et je n’ai pas envie de les décevoir. Ça me tient à cœur de faire une bonne course. Je n’ai pas envie qu’ils viennent et être nulle.

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