MotocyclismeSans Valentino Rossi, ce sera forcément différent
Ne jamais dire: «C’était mieux, avant», toujours préciser: «C’était différent». Quand le CM 2022 recommencera, il ne faudra donc pas dire: «C’était mieux avec Rossi», il faudra chuchoter: «C’était différent avec lui».
- par
- Jean-Claude Schertenleib
L’annonce tant attendue, tant redoutée, est donc survenue jeudi après-midi, dans la salle de conférence du Red Bull Ring, à Spielberg: Valentino Rossi ne sera plus pilote en 2022. Quelles sont les conséquences à attendre de cette retraite? Qu’on le veuille ou non, l’intérêt du grand public va diminuer, puisque c’est dans cette tranche de «clients du MotoGP» (désolé d’utiliser cette formule, mais c’est désormais la réalité!) que Rossi a pesé le plus.
Corollaire: une grande partie des fans de Valentino, qui n’étaient pas des fans de GP, devraient se tourner vers autre chose. Ils ont le choix entre une «Squadra» championne d’Europe de football... et un pilote automobile dont on va beaucoup parler: Valentino Rossi! Reste que son ombre – et plus que cela – planera toujours sur les paddocks, puisqu’il poursuivra son œuvre formatrice, une œuvre renforcée par la création de sa propre équipe MotoGP (avec Ducati), dont on devrait connaître officiellement le nom des pilotes élus (Luca Marini est confirmé) dans quelques jours.
Enfin, ce nouveau statut de patron d’équipe nous promet d’ores et déjà quelques moments animés en coulisses, car en cas d’absence forcée de l’un de ses pilotes, le boss Rossi pourra désigner Valentino comme remplaçant!
Un système autosuffisant
Pour poursuivre sur le thème, «les conséquences d’une retraite», une autre question se pose logiquement: verra-t-on, un jour, un nouveau Rossi? La réponse est non. Comme il n’y a pas eu un nouveau Senna et qu’il n’y aura pas un autre Federer. Pourquoi? Parce que les temps changent, que Valentino Rossi a débarqué en GP à une période où la mue vers la modernité ne faisait que commencer et que sa très forte personnalité a trouvé un terrain et des circonstances idéales pour s’exprimer.
Or, aujourd’hui, le système se suffit à lui-même. Il va continuer à engendrer des champions de très grande qualité, mais il n’y aura plus de star planétaire comme l’est devenu Rossi, capable d’évoluer au sommet pendant vingt-six saisons (dimanche, il a pris son 424e départ en GP). Car l’efficacité avérée du bon fonctionnement de la filière qui mène au sommet – un pilote de 22 ans, deux de 23 ans sur les trois premières marches du podium de la course MotoGP, des «rookies» sans complexe en Moto3 et en Moto2, catégories où ils ne traînent désormais plus – a aussi des côtés plus négatifs: elle est une broyeuse de talents.
Prenons l’exemple de KTM, dont on ne peut que louer le travail de base: les pilotes d’usine Brad Binder et Miguel Oliveira savent d’ores et déjà que, si tout ne se passe pas bien pour eux l’an prochain et en 2023, Remy Gardner et Raúl Fernández, les deux pilotes Moto2 qui vont faire le saut dans la seconde équipe de la marque autrichienne, seront prêts à prendre leur place. Car pour leur part, ils devront avoir à faire avec Pedro Acosta (leader net en Moto3, très certainement en Moto2 en 2022), qui sait pour sa part que les meilleurs de la Rookies Cup actuelle rêvent déjà de lui succéder dans le team Ajo Moto3!
Cette nouvelle tendance a des effets directs sur la compacité des différents pelotons – jamais les écarts entre le premier et le dernier n’ont été aussi réduits -, mais elle signifie aussi la fin des carrières à rallonge.
Thomas Lüthi illustre le phénomène
Valentino Rossi à la retraite, que fera le deuxième dinosaure du paddock, Thomas Lüthi (310e départ dimanche)? Le champion du monde 125 cm3 de l’an 2005 est l’illustration parfaite du phénomène actuel. Dans le top 6 après la première journée d’essais (troisième temps de la séance de l’après-midi), treizième sur la grille de départ (à 7 dixièmes de la pole), seizième en course à moins de 20 secondes du vainqueur (il perd là encore 7 dixièmes au tour), on ne peut pas dire que ce soit le fait d’un homme qui se «traîne». Mais ce bilan chiffré veut aussi dire qu’il y a un seuil qualitatif qu’il n’arrive plus (pas encore?) à passer cette saison.
«Les conditions étaient particulières pour tous, avec cette piste essentiellement sèche, mais qui présentait encore des taches d’humidité à l’extérieur des trajectoires. La clef, c’était donc le départ, parce que les tentatives de dépassements allaient être difficiles en raison de l’état du circuit. Or, j’ai été bloqué dans les virages No 1 et No 3, j’ai perdu beaucoup trop de positions et pas mal de confiance. Aujourd’hui, il était crucial d’attaquer dans les premiers tours, j’ai été incapable de le faire.»
Sera-t-il encore présent l’an prochain? «Les résultats décideront», rappelle son manager Daniel-M. Epp. «Notre entente avec le team SAG d’Edu Perales était prévue sur deux saisons, mais les deux parties peuvent décider de mettre un terme à l’accord à la fin de l’année», ajoute le mentor de Tom.