CommentaireUne partie de mon corps dans le corps d’un autre
Une fois n’est pas coutume, un objet soumis à votation n’a pas créé des camps inconciliables. La nature sensible de la transplantation en est la raison. Le fait que la loi ne change pas grand-chose aussi.
- par
- Eric Felley
La campagne sur la modification de la loi sur la transplantation a été pour le moins calme. Contrairement à beaucoup de sujets en votation ces dernières années, celui-ci n’a pas provoqué un débat clivant, des dérapages, des détournements d’affiches, des plaintes et autres faits de campagne habituels. Probablement que cela est dû à la nature très intime du sujet. C’est peut-être aussi un signe d’apathie de l’opinion sur la question, alors que les conséquences de la guerre en Ukraine n’ont pas fini de bousculer les priorités politiques.
Un rapport personnel avec la mort
Il y a eu certes des propos du côté de l’UDC, comme quoi l’État considère dorénavant le corps «comme un stock de pièces détachées». Mais la polémique n’a pas pris, car chacun peut connaître quelqu’un qui aurait besoin d’une de ces pièces pour survivre. Faire don de ses organes est une posture altruiste. Vouloir les garder après son décès n’est pas pour autant une posture égoïste, dans la mesure où chacun à un rapport personnel avec son corps et la mort.
La famille garde le dernier mot
De plus la loi ne modifiera pas fondamentalement les usages. Elle passe du consentement explicite au consentement présumé, mais le rôle de la famille et des proches restent déterminants au moment du décès. L’initiative populaire à l’origine de cette modification demandait un consentement présumé au sens strict. Quiconque n’aurait pas mentionné formellement son opposition, aurait été automatiquement donneur. Le Parlement a estimé ce changement trop radical.
Pourquoi pas?
Jusqu’ici, l’expérience a montré que les familles s’opposent souvent au moment du deuil, trop souvent, ce qui cause cette lancinante pénurie d’organes en Suisse. Les promoteurs du don d’organes auront réussi à pousser un certain nombre de citoyennes et citoyens à se poser la question et à se déterminer justement en famille. N’oublions pas que chaque matin en Suisse, des centaines de personnes se lèvent en espérant être appelées dans la journée pour une greffe. À l’heure actuelle, une ou deux parmi elles n’auront pas le temps de la recevoir. C’est cela qu’il faudrait retenir de cette campagne: si une partie de mon corps peut servir à quelqu’un d’autre, pourquoi pas?