Procès en FranceDerrière le gamer «drôle», un jaloux jugé pour viols et tentative de meurtre
Le streamer «Mr WaynZ», Yannick Nascimento de son vrai nom, comparaît depuis mardi devant les assises de Paris.
Il y avait en façade l’«image» de «Mr WaynZ», joueur de jeu vidéo influent et «drôle». Et derrière l’écran, un homme précaire et égocentrique à la «jalousie maladive», jugé depuis mardi devant les assises de Paris pour viols et tentative de meurtre sur d’ex-compagnes.
Incarcéré depuis octobre 2019, Yannick Nascimento de son vrai nom, aujourd’hui âgé de 34 ans, est accusé de violences, séquestration et viols présumés commis entre 2007 et 2019 sur quatre de ses ex-conjointes rencontrées pour trois d’entre elles dans la sphère virtuelle des jeux en ligne. Il est aussi soupçonné d’avoir tenté d’étouffer et étrangler jusqu’à la mort l’une d’entre elles dans son appartement en 2019 à Paris, un crime passible de la perpétuité. C’est au cours de l’enquête ouverte pour ces derniers faits que d’autres victimes présumées ont été identifiées.
Envers du décor
Né en novembre 1988 à Coulommiers, Yannick Nascimento s’était forgé une petite notoriété parmi les gamers en postant, sous le pseudo «Mr WaynZ», ses parties de jeu vidéo sur une chaîne YouTube au logo en forme de donut rose et suivie par quelque 220 000 abonnés. C’était «une passion. C’est comme à la télé: on jouait en ligne et des gens nous regardaient, et il pouvait y avoir beaucoup d’échanges, avec un contact féminin dans ce milieu», résume Jérémy, son ancien associé sur YouTube entendu par visioconférence. «Il était drôle. Et on avait importé le concept de «funk moments» des États-Unis et ça commençait à bien marcher», dit-il.
Après avoir été invités au Canada pour tester un jeu, leur «communauté» d’abonnés grossit. «C’est devenu plus sérieux, mais pas assez pour en vivre», raconte Jérémy, autoentrepreneur de 39 ans qui a rencontré M. Nascimento sur un jeu.
L’envers du décor est «moins rose» que les sourires affichés sur la Toile. La concurrence est féroce avec les autres streamers pour ces deux joueurs qui s’adonnent à des jeux d’aventures, de voitures ou de construction mais aussi à des FPS («first person shooter», où le spectateur expérimente le jeu à travers les yeux du personnage utilisé par le joueur). Là, on touche «un dollar pour 1000 vues», glisse Jérémy.
«Désir de domination»
À cette époque, la mère de Yannick Nascimento, un temps employée dans une maison de retraite et qui l’avait abandonné au profit d’un nouveau compagnon, est déjà morte d’une cirrhose. Il «vivait de rien», logé chez «son beau-père alcoolique qui pissait partout dans sa baraque», raconte l’ancien ami de jeux.
Jérémy indique avoir bien saisi des tensions avec certaines petites amies du prévenu, mais assure «être tombé de haut» lorsqu’il a appris en 2019 les faits reprochés: entre autres, selon l’accusation, une sodomisation forcée sur sa copine de 17 ans qu’il avait préalablement saoulée, puis un viol lorsqu’elle était enceinte de plus de sept mois de leur enfant.
Au premier jour du procès, programmé jusqu’au 10 février, un expert psychiatrique a décrit un accusé qui «souhaite imposer son désir de domination», un être «particulièrement égocentré dans le lien affectif», animé par une «jalousie maladive et la hantise de perdre l’autre et d’être abandonné», trois traits de caractère dont «l’intensité est telle qu’ils constituent des troubles du comportement».
«Sentiment de rejet»
Les autres experts ont également évoqué une «trajectoire faite de ruptures» de l’aîné de deux demi-fratries de cinq enfants. Il a vécu une «enfance un peu chaotique» entre exposition à des images pornographiques, violences familiales, et placements en foyer puis famille d’accueil qui nourrit «un sentiment de rejet». L’accusé évoque aussi pendant l’enquête l’agression sexuelle imposée par un oncle.
«L’absence de structuration d’un cadre affectif» se répercute sur son parcours scolaire, tout aussi «compliqué» et s’arrête au niveau d’un CAP de cuisine, ajoute une experte interrogée mardi. Adulte, «l’axe sexuel devient un moyen d’imposer ce qu’il est», complète un autre expert.
Dans le box, l’accusé écoute, dos voûté, crâne rasé et visage amaigri et débarrassé de la longue barbe qu’il arborait au moment des faits.