Enfants placésVaud: le calvaire d’un père pour retrouver son fils
Séparé de son fils après un divorce, un père a dû batailler ferme pour pouvoir vivre avec lui. Le mouvement pour la condition paternelle regrette les préjugés des services sociaux et de la justice en pareil cas.
- par
- Eric Felley
Il a fallu un long, un très long parcours pour que Philippe * et son fils Max * puissent vivre sous le même toit, comme ils le souhaitaient. Mais, dans le cadre d’un divorce, les choses ne se passent pas toujours simplement. En 2008, après cinq ans de mariage, le couple de Philippe bat de l’aile. Sa femme demande la séparation, puis lui, le divorce. Après l’échec d’une procédure à l’amiable, Philippe se retrouve avec une importante pension alimentaire et dans une situation financière délétère, au point de faire une faillite personnelle.
Peu après, une curatrice nommée pour son fils décide de réduire le temps que Philippe peut passer avec lui. Dès lors, il se retrouve confronté à une ex-femme qui peine à respecter les droits de visite et son autorité parentale. Peu à peu, il s’inquiète d’observer chez son fils des problèmes scolaires, ainsi que nutritionnels. Il en informe le Service de protection de la jeunesse (SPJ). Mais ce dernier y voit des manœuvres de sa part pour nuire à son ex-épouse.
Max veut vivre avec son père
Phillippe ne baisse pas les bras et demande la garde exclusive de son fils jusqu’au Tribunal cantonal, en vain. Cependant, Max se confie à la juge en charge de l’affaire qu’il veut vivre uniquement avec son père. Il le dit ouvertement à ses professeurs et à ses amis. Lorsqu’elle l’apprend, sa mère réagit violemment contre lui et il se réfugie alors chez son père. La mère saisit le SPJ. Avec l’appui de la curatrice, il est décidé que Max, âgé alors de 12 ans, doit être placé dans un foyer et l’autorité parentale retirée à Philippe. Cette double décision est confirmée par un tribunal civil.
Cela se passe en décembre 2018 et Max, alors âgé de 12 ans, va passer 14 mois en institution, où il va s’automutiler et tenter de fuguer pour retourner à chaque fois chez son père. Ce dernier s’adresse alors à la Justice de Paix pour faire annuler le jugement et sortir son fils de cet environnement. Mais un autre rapport du SPJ, indiquant que Max se développe très bien dans son nouveau milieu, vient contrarier sa demande. La Justice de paix désigne finalement une nouvelle curatrice, qui est favorable au retour de Max chez son père, puis qui change d’avis.
Expertise indépendante
C’est finalement le recours à un expert extérieur, en l’occurrence le professeur bien connu Philip Jaffé, spécialiste des droits de l’enfant de l’Université de Genève, qui permet d’y voir clair. Celui-ci parviendra à la conclusion que la place de Max est bien chez son père et que les mesures prises par le SPJ étaient erronées et disproportionnées.
En avril 2020, sur décision de la Justice de Paix, Max peut quitter le foyer et rentrer enfin chez son père, tandis que le droit de visite de la mère est suspendu.
Des préjugés contre les pères
Le porte-parole du Mouvement de la condition paternelle Vaud, Julien Dura, estime que cette affaire est révélatrice des préjugés des services sociaux et de la justice contre les pères: «Ce n’est pas un cas isolé et notre mouvement rencontre très fréquemment ce genre de problèmes depuis de nombreuses années». Cette «stigmatisation des pères» a même tendance à se cristalliser avec le durcissement du discours féministe: «Nous sommes très loin d’une égalité dans le droit de la famille», déplore-t-il.
Des entretiens protocolés
Philippe a saisi le Grand Conseil vaudois pour évoquer son affaire. Le 5 novembre prochain, il doit rencontrer la nouvelle directrice de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), Manon Schick, ainsi que des personnes de l’entourage de la conseillère d’État Cesla Amarelle. Pour Julien Dura, cette affaire est l’occasion de rappeler une exigence de longue date du mouvement. Dans le cadre de ces procédures délicates, tous les entretiens devraient être protocolés: «Sans cela, les intervenants peuvent rédiger des rapports en toute partialité et de manière arbitraire en prétendant qu’un père ou une mère s’est exprimé de telle ou telle manière. Il ne devrait pas être compliqué de créer un dossier électronique, où chaque entretien serait consigné de manière brève et concise.»