RarissimeRattrapés par la justice vaudoise, ils seront jugés pour viol en commun
Deux hommes sont accusés d’avoir lâchement abusé d’une jeune femme il y a dix ans à Lausanne. Ils comparaissent dès demain mardi devant une Cour criminelle.
- par
- Evelyne Emeri
Trois garçons, deux filles. Un soir d’automne 2012 à Lausanne, cinq jeunes Africains, âgés de 17 à 19 ans, sont censés se retrouver chez Djibril*, l’aîné de la bande, bientôt 20 ans. Il organise une fête à son domicile. Il y a convié ses potes: Moussa*, 18 ans; un autre ami de 17 ans déféré séparément parce que mineur et qui a bénéficié d’un classement en raison de la prescription; et les deux meilleures amies du monde, seule Aya*, 18 ans, viendra. C’est elle qui est à l’origine de l’audience criminelle qui s’ouvrira demain mardi 25 avril au Tribunal de Montbenon. Fait rarissime, ses bourreaux présumés sont renvoyés pour viol, mais surtout pour viol en commun.
La plainte, 8 ans après
Aya a attendu presque huit ans avant de se libérer et de porter plainte contre les coprévenus en juillet 2020. Si ce laps de temps peut paraître outrancier, le Ministère public vaudois l’a prise très au sérieux. Au point de renvoyer Djibril (30 ans désormais) et Moussa (28) devant une Cour criminelle plus de dix ans après cette soirée de 2012. Pour l’accusation soutenue par le procureur Jérémie Müller, la partie s’annonce ardue. Ce sera la parole de la jeune femme – et de son amie absente qui a recueilli ses confidences au lendemain de cette nuit maudite – contre celles des deux accusés. Les infractions retenues par le parquet sont loin d’être anodines.
L’épreuve de la confrontation
Quant à la plaignante, elle va se retrouver pour la première fois confrontée dans un lieu intimidant à ceux qu’elle prétend être ses abuseurs. Une épreuve qui ne peut que la tétaniser à l’évidence, qui plus est, après avoir osé dénoncer ses anciens amis après toutes ces années. A minima, un paravent sera dressé dans la salle du Palais de justice afin de séparer les deux parties. Aya a toutefois fait savoir qu’elle préférerait pouvoir témoigner hors de la présence des prévenus. La question sera tranchée mardi matin à l’ouverture des débats.
Peur de mourir
Selon les déclarations d’Aya reprises dans un acte d’accusation accablant, la jeune fille serait arrivée la dernière à la fête. Tous auraient bu. Alcoolisée, elle aurait accepté d’aller se coucher sur un lit et se serait endormie. C’est un peu plus tard que Moussa se serait approché d’elle et aurait débuté les premiers attouchements et les premières tentatives de caresses. La plaignante prétend l’avoir repoussé à plusieurs reprises, ce qui l’aurait rendu agressif. Elle dit aussi avoir tenté de le raisonner et que, voyant son regard noir et déterminé, incapable de sortir de son étreinte forcée, elle a commencé à avoir peur. Elle aurait encore essayé qu’il ne lui arrache pas ses habits et d’appeler à l’aide avant de se laisser faire de crainte d’être frappée ou de mourir.
Quasi nue dans la rue
L’accusation relève également qu’Aya a pensé être sauvée lorsque Djibril et le mineur de la bande sont entrés dans la pièce dans laquelle elle se débattait en vain contre les assauts de Moussa. Bien au contraire, les deux jeunes se seraient donné du plaisir tout en regardant leur ami contraindre la malheureuse à subir une relation complète, non consentie. Dès que les trois individus ont quitté la chambre, elle se serait enfuie en courant de l’appartement presque nue, ses vêtements en lambeaux. Son «hôte» n’aurait pas hésité à la poursuivre dans la rue pour l’enjoindre à ne pas porter plainte contre Moussa.
*Prénoms d’emprunt