Or vénézuélienL’opposant Juan Guaido gagne une manche devant la justice britannique
Les 31 tonnes d’or vénézuélien qui dorment à la Banque d’Angleterre sont convoitées. À Londres, la Cour suprême vient de donner un avantage à l’opposant Guaido face au président Maduro.
La Cour suprême britannique a donné une victoire partielle à l’opposant vénézuélien Juan Guaido, lundi, face au président Nicolás Maduro, renvoyant devant le Tribunal de commerce le litige sur l’or vénézuélien stocké à la Banque d’Angleterre, dont les deux camps se disputent le contrôle.
En donnant raison à l’appel de l’opposant, l’autorité britannique éloigne donc le président des 31 tonnes d’or – représentant environ un milliard de dollars (920 millions de francs) – auxquelles il demande à avoir accès.
Pas de conflit avec la politique nationale
Après avoir jugé que les tribunaux britanniques ne pouvaient pas contredire l’exécutif, qui considère Juan Guaido comme président par intérim, «il reste à savoir si les jugements émis par la Cour suprême du Venezuela peuvent être reconnus ici. L’affaire est renvoyée vers le Tribunal de commerce», a affirmé la plus haute instance juridique britannique dans un communiqué présentant sa décision.
Mais la Cour suprême insiste: «Les tribunaux britanniques refuseront de reconnaître tout jugement d’une juridiction étrangère, comme ceux de la Cour suprême du Venezuela, s’ils sont en conflit avec notre politique nationale», qui inclut donc de reconnaître Juan Guaido comme président.
«La dictature ne pourra pas piller» l’or «comme elle l’a fait avec les fonds publics. L’or des réserves vénézuéliennes continuera à être protégé à la Banque d’Angleterre», a réagi Juan Guaido sur Twitter. Autoproclamé chef de l’État en 2019, avec le soutien de Washington, celui-ci est considéré comme président par intérim par une cinquantaine de pays, qui ne reconnaissent pas la réélection de Nicolás Maduro en 2018.
Deux camps, deux comités
Les deux camps ont notamment créé des comités de direction de la Banque centrale du Venezuela (BCV) différents, et qui réclament tous deux l’accès à l’or entreposé au cœur de Londres, dans les coffres de la Banque d’Angleterre.
Le camp de Nicolás Maduro s’était tourné vers la justice britannique en 2020. Dans un premier temps, la Banque centrale du Venezuela de Juan Guaido avait été reconnue comme légitime, avant que la Cour d’appel n’annule ce jugement. Elle estimait alors que, puisque Londres garde les canaux ouverts avec Caracas, notamment en y maintenant son ambassade, Nicolás Maduro était «de facto» reconnu président du Venezuela. Une position annulée, lundi, par la Cour suprême après l’appel de Juan Guaido.
«Une insulte à la réalité»
«Nous attendons avec impatience l’opportunité de démontrer que les décisions de la justice vénézuélienne, sur lesquelles s’appuie le camp de Nicolás Maduro, ne méritent pas d’être retenues par un tribunal britannique, car elles ne sont pas émises par un système judiciaire indépendant», a affirmé Jane Wessel, avocate du cabinet Arnold & Porter, qui défend les intérêts de Juan Guaido.
«Le reconnaître comme président est une insulte à la réalité sur le terrain», dénonce pour sa part Sarosh Zaiwalla, avocat du cabinet Zaiwalla, qui défend le camp du président Maduro. «Cela fait 19 mois que ce dossier continue», ajoute-t-il, affirmant que «les actifs au Royaume-Uni restent inaccessibles et inutilisables pour lutter contre la pandémie de Covid-19 au Venezuela». Selon les chiffres officiels, le Venezuela, pays de 30 millions d’habitants, a enregistré 440’000 cas pour plus de 5000 décès. Des ONG et l’opposition accusent le pouvoir de minorer les statistiques. Le camp de Juan Guaido rétorque que l’argent récolté servirait à réprimer le peuple ou atterrirait dans les poches d’un régime «kleptocrate».