FranceAppel à la grève chez EDF contre le gouvernement
«Choc», «décision scandaleuse»: la décision de Paris de mettre à contribution EDF pour contenir la facture d’électricité est mal vécue à tous les étages de l’électricien, des syndicats au patron.
Les quatre principaux syndicats du secteur énergétique ont lancé un appel commun à la grève des salariés d’EDF, le 26 janvier, afin de protester contre les mesures que le gouvernement prévoit d’imposer au groupe pour contenir la hausse des factures d’électricité. Les quatre syndicats de branche appellent «à protester contre cette décision scandaleuse qui vient spolier le rôle d’EDF, voire organiser la destruction d’EDF.» «La situation est grave, l’attaque est lourde de sens et la riposte doit être collective», a estimé de son côté le syndicat FO Energie et Mines.
Dans un contexte de flambée des prix de l’énergie et afin de limiter la hausse pour les consommateurs, le gouvernement français a enjoint jeudi à EDF – dont l’État possède 84% – d’augmenter de 20% le volume d’électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents cette année, en demandant à ce que ce tarif avantageux soit répercutés aux clients finaux. Quelques sites ont devancé l’appel du 25 janvier et étaient en grève depuis lundi, en l’occurrence des centrales thermiques à flamme, fonctionnant au gaz et au fioul.
Critiques du patron
EDF va vendre à un prix réduit jusqu’à 40% de sa production électrique en 2022, au lieu de vendre aux prix forts du marché, et perdre des milliards d’euros – environ 8 milliards sur son excédent brut d’exploitation 2022, selon lui. Une décision qui a ému jusque dans les plus hautes sphères de l’énergéticien. Dans un message interne aux «managers» d’EDF, le patron Jean-Bernard Lévy a vivement critiqué la décision du gouvernement.
«Après l’avoir beaucoup combattue, nous vivons cette décision comme un véritable choc», a-t-il écrit. «Beaucoup d’entre vous m’ont fait part de leur soutien, voire de leur indignation, et je partage votre émotion», a-t-il écrit.
«Calcul électoral»
La décision du gouvernement s’est ajoutée à de nouveaux retards pour l’EPR de Flamanville, une centrale nucléaire de nouvelle génération en construction au nord de la France, et à l’extension du problème de corrosion sur des systèmes de sécurité à de nouveaux réacteurs qui sont désormais 5 à l’arrêt en plein hiver. Le cours d’EDF a plongé à l’issue de cette semaine noire. «Ces mauvaises nouvelles ébranlent le groupe», a reconnu Jean-Bernard Lévy.
«Ce sont les investissements du groupe EDF dans le système électrique qui garantiront dans la durée la stabilité des prix de l’électricité et la sécurité d’alimentation électrique du pays, et qui assureront la réussite de la transition bas carbone de la France», a réagi de son côté le syndicat CFE Energies. Il a dénoncé un «saccage d’EDF orchestré par pur calcul électoral», à quelques mois de l’élection présidentielle.
Lourdement endetté
Jean-Bernard Lévy a promis des annonces «sous un mois» pour renforcer le bilan d’EDF. Déjà lourdement endetté, EDF fait face à de nombreuses dépenses pour maintenir son parc nucléaire vieillissant et investir dans les énergies renouvelables. Le gouvernement compte aussi sur l’entreprise pour racheter les activités nucléaires de GE et assurer la construction de futurs EPR.
«Nous serons aux côtés d’EDF pour les aider à passer cette difficulté», avait déclaré la semaine dernière Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, relançant des spéculations sur une possible recapitalisation. En attendant, des agences de notation, qui scrutent la solvabilité de l’entreprise, ont déjà abaissé la note d’EDF ou menacé de le faire, ce qui pourrait renchérir le taux auquel le groupe emprunte.