FootballRecord de tags sédunois sous les yeux de la police à Neuchâtel
Malgré le gros dispositif sécuritaire du derby Xamax - Sion, les supporters valaisans ont pu réaliser une soixantaine de graffitis au centre-ville de Neuchâtel. Les agents ont préféré ne pas intervenir.
- par
- Adrien Schnarrenberger
Gare de Neuchâtel — La Maladière: un kilomètre très exactement. Pas besoin de GPS pour trouver l’enceinte qui accueille les matches à domicile de Xamax, en contrebas des voies CFF. Depuis vendredi dernier, le parcours bénéficie pourtant d’un nouveau balisage, «grâce» aux supporters du FC Sion.
Une soixantaine de tags ont été apposés entre la gare et le stade lors de la venue du club valaisan, le week-end dernier en Challenge League (0-0). Faites le calcul: c’est une inscription tous les 15 mètres! La plupart à la gloire du leader de 2e division et quelques insultes éparses, notamment envers la police.
C’est après la rencontre que les artistes amateurs auraient sévi, selon «Arcinfo». Un vandalisme d’ampleur presque industrielle: jamais la police neuchâteloise n’avait été confrontée à des dommages à la propriété de cet ordre, nous confirme son porte-parole Georges-André Lozouet.
Une décision délibérée
D’où cette question: la rencontre étant classée à haut risque et encadrée par un immense dispositif policier, comment 400 individus peuvent-ils prendre d’aussi grandes largesses avec la loi sous les yeux des forces de l’ordre? Il s’agit d’une décision délibérée de la police, répond son chargé de la communication.
L’encadrement des ultras, ici du FC Sion, se fait «à distance» lors du trajet jusqu’au stade. «L’objectif est de s’assurer qu’ils empruntent bien le trajet prévu et ne commettent pas d’agressions ou de dégradations de biens publics et privés», précise le porte-parole. Quid, dès lors, de ce «relooking» du mobilier urbain? «Intervenir sur le moment reviendrait à provoquer des situations dangereuses face à des individus souvent ivres, surexcités et dont la violence est exacerbée par l’effet de groupe», explique la police cantonale neuchâteloise.
Cette impunité relative découle, donc, du fait que les forces de l’ordre préfèrent agir «par opportunité», à savoir privilégier les actions les moins dommageables «tant pour les tiers, les forces de l’ordre que pour les ultras eux-mêmes», conclut Georges-André Lozouet.
Ont-ils été filmés? No comment
Cela ne veut pas dire que les tagueurs, même s’ils n’ont pas été pris sur le fait, échapperont à toute sanction. Mais impossible de savoir, par exemple, si les fauteurs de troubles ont été filmés ou non: la police ne communique pas sur ses stratégies. En revanche, elle confirme le dépôt d’une dizaine de plaintes de la part des propriétaires lésés.
C’est à eux, d’ailleurs, que revient le nettoyage, pour autant qu’ils souhaitent effectuer des démarches en ce sens. Croisé devant sa maison de la Rue des Faubourg, un habitant n’a toujours pas décoléré en ce milieu de semaine: «Remettre tout ça en état va coûter les yeux de la tête, mais ce sera des démarches à n’en plus finir. Pourquoi est-ce à nous de subir les conséquences?»
En attendant, une autre forme de nettoyage a déjà eu lieu: le trajet n’est plus seulement à la gloire du FC Sion, mais également de Xamax! Les ultras locaux, sans doute touchés dans leur ego, ont réparé l’affront en dégainant à leur tour les bonbonnes, tantôt pour des insultes, tantôt pour une deuxième couche à la gloire des rouge et noir.
Des précédents à n’en plus finir
Ces dernières années, face à des dispositifs policiers qui empêchent toute confrontation physique, les graffitis sont devenus l’un des modes d’expressions principaux des ultras, avec les autocollants également, pour marquer leur territoire. Les exemples récents ne manquent pas: en novembre 2022, un supporter de… Xamax a écopé de six mois ferme pour avoir peinturluré les rues de la ville à la gloire de son club.
En septembre dernier, le 16es de finale de Coupe de Suisse entre Bulle et Servette avait fait l’objet de déprédations dans la capitale gruérienne. De quoi occasionner pour plusieurs jours de nettoyage aux services de l’édilité pour décoller les stickers et effacer les inscriptions sans abîmer les panneaux, avaient expliqué les autorités bulloises à «La Liberté».
Quelques semaines plus tard, le derby Lausanne – Servette avait donné lieu à des échanges textuels sur les murs de la Tuilière, à Lausanne, et des Vernets, à Genève. Car le hockey n’est pas épargné par le phénomène, loin de là: le cas le plus lourd concerne des ultras du Lausanne Hockey Club.
Plus de 80 000 francs de dégâts
En 2015, ils avaient «décoré» huit ponts autoroutiers de leur canton aux couleurs du club. L’enquête pour les identifier avait nécessité l’intervention d’une trentaine de policiers, plus de 80 000 francs de frais de nettoyage et amené le cas jusqu’au Grand Conseil. Les auteurs, interpellés début 2016, étaient des jeunes âgés de 20 à 27 ans et domiciliés dans le canton de Vaud.
Ils avaient dû répondre de leurs actes et avaient été lourdement condamnés financièrement par la justice pour dommages à la propriété qualifiés. «C’est le phénomène des graffitis, on marque son territoire, on met en avant ses couleurs en ignorant les conséquences civiles», déplorait le porte-parole de la police cantonale vaudoise. Autre canton près d’une décennie plus tard, mais même discours et même impuissance de la police.