Avant le départ à CopenhagueMarc Hirschi, prodige dans l’ombre d’un phénomène
Dès vendredi, le Bernois va participer à son troisième Tour de France. Le coureur de l’UAE Team Emirates, rappelé pour remplacer son coéquipier Matteo Trentin, espère profiter d’une forme retrouvée pour guider son leader Tadej Pogacar vers un nouveau sacre.
- par
- Chris Geiger
Été 2020. Le monde se déconfine, le sport reprend. Le Tour de France a bien lieu, mais il se déroule exceptionnellement à la fin de l’été. Ce report, historique, est un moindre mal pour le peloton comparé aux destins réservés aux autres événements majeurs. Les Jeux olympiques de Tokyo et l’Euro masculin de football, pour ne citer qu’eux, n’ont-ils pas été décalés d’une année?
Le maintien de la Grande Boucle va surtout s’avérer salutaire pour deux jeunes cyclistes aux dents longues: Tadej Pogacar et Marc Hirschi. Car le Slovène et le Suisse, tous deux issus de la classe 1998, éclaboussent de leur talent, trois semaines durant, cette 107e édition. Le premier rallie Paris avec son premier maillot jaune sur les épaules, le second avec le prix du Super-combatif dans son escarcelle.
Ce titre honorifique, le Bernois le mérite pleinement. Après deux places d’honneur (2e de la 2e étape à Nice, 3e de la 9e étape à Laruns), le coureur de la Sunweb – devenue DSM – décroche la timbale à Corrèze au terme d’un superbe numéro en solitaire sur la 12e étape. Dans la forme de sa vie, il remporte la médaille de bronze aux Championnats du monde dans la foulée du Tour de France, puis triomphe au sommet du Mur de Huy sur la Flèche Wallonne.
De quoi taper dans l’œil de la formation UAE Team Emirates du phénomène Tadej Pogacar, qu’il rejoint au début de l’année 2021. Depuis, Marc Hirschi jongle entre méforme, blessure et rôle d’équipier. Mais il ne regrette pas d’avoir forcé son transfert.
«Au contraire, je suis très content de mon choix, assure-t-il. Pour l’heure, j’ai un contrat de deux ans (ndlr: jusqu’au terme de la saison 2023). J’aimerais toutefois rester longtemps dans cette équipe. C’est une bonne formation, qui progresse chaque année. Il ne faut pas oublier que cette équipe est jeune. Elle n’a que cinq ou six ans d’existence au niveau World Tour (sous pavillon émirati depuis 2017). Mais je sens qu’on s’améliore chaque année, qu’on grandit. C’est pourquoi j’aimerais rester ici de longues années.»
Pourtant, au sein d’une structure totalement dédiée à la cause du «cannibale» slovène, où ce dernier est sous contrat jusqu’en 2027, le coureur d’Ittigen n’est pas le premier choix. Et c’est logique. Mais il accepte son nouveau statut. «C’est vrai que, régulièrement, on pédale tous pour Tadej, concède celui qui a débuté chez BMC Development. Mais il nous arrive à tous d’avoir plus de libertés et de possibilités pour remporter des étapes.» Ça aurait dû être le cas sur le dernier Tour de Suisse, mais le Bernois a contracté le Covid-19 et son équipe a été contrainte de se retirer.
Une autre joie
Rétabli, il n’a dans un premier temps pas été convoqué par son équipe qui a préféré le préserver. Avant que UAE ne le rappelle à la hâte mercredi pour remplacer le forfait de son coéquipier Matteo Trentin, testé positif au Covid-19. Le Bernois est d’attaque pour donner dès vendredi ses premiers coups de pédales sur sol danois, où le prodige de 23 ans va retrouver à cette occasion un relatif anonymat. Sans amertume, ni frustration. «Ce n’est pas compliqué (de l’accepter) car le cyclisme est un sport collectif, glisse-t-il. Je suis très satisfait de faire partie de cette formation, où un vrai travail d’équipe est effectué afin d’aider Tadej à gagner le Tour de France. Je trouve super de concourir à ses côtés. Il s’agit d’une superbe expérience.»
Mais est-ce à la hauteur d’une victoire personnelle? «C’est différent, mais les deux sortes de succès sont vraiment belles. Ma victoire d’étape sur la Grande Boucle en 2020 était magnifique. Mais remporter le général du Tour de France l’année suivante en tant que coéquipier l’était tout autant. Je me réjouis déjà de prendre le départ à Copenhague, surtout qu’on a à nouveau de grandes chances de s’imposer.»
Opération salvatrice
Vainqueur du Tour de Slovénie il y a une dizaine de jours, Tadej Pogacar arrive dans des conditions optimales et semble bien parti pour réaliser la passe de trois dans l’Hexagone. Mais, pour réussir pareil exploit, le meilleur coureur du monde actuel aura néanmoins besoin de lieutenants à la hauteur de l’événement. Cela tombe bien, Marc Hirschi monte en puissance depuis le début de l’année, en témoignent ses deux succès sur le Per Sempre Alfredo, en mars, et sur le GP d’Aarau, le 10 juin dernier.
«J’ai été opéré en décembre dernier de la hanche, précise-t-il. Je me sens désormais bien mieux. Depuis, j’ai pu faire de bonnes sessions d’entraînement. J’espère désormais pouvoir retrouver mon niveau affiché en 2020. J’ai l’impression de ne pas être si loin de cette forme. L’opération a été la bonne décision et elle va me permettre de retrouver mon niveau que j’avais il y a deux ans. Du moins, c’est le but.»
Histoire de chasser définitivement les difficultés rencontrées lors de sa première saison chez UAE Team Emirates. Et de rappeler à son employeur qu’il possède bel et bien dans ses rangs un deuxième prodige.
«Évidemment que mon équipe attend plus de moi, reconnaît-il. Quand vous obtenez des résultats, vous avez toujours plus de pression sur vos épaules. Car tout le monde s’attend à ce que vous le refassiez encore. Même si je n’avais pas changé d’équipe, je suis sûr qu’on aurait attendu de moi que je m’impose à nouveau sur le Tour de France ou sur une autre grande course. Mais cette attente est normale. C’est toujours plus simple de gagner la première fois. Confirmer est toujours plus compliqué.»
De retour sur les terres de ses premiers exploits, celui qui «rêve de devenir un jour champion du monde» va assurément faire tout son possible pour briller dans l’ombre au cours des trois prochaines semaines.