ParisPriés de laisser la place aux JO, les bouquinistes se rebiffent
Avant la cérémonie d’ouverture prévue en juillet 2024, la ville veut déménager les quelque 570 boîtes à livres fixées le long de la Seine. Au grand dam des commerçants, souvent précaires.
Déménager les bouquinistes de Paris pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques? C’est un non ferme et définitif de cette profession indocile, qui s’est attiré la sympathie de l’opinion publique bien au-delà des bords de Seine.
Déménagement forcé
La mairie de Paris l’a annoncé lors d’une réunion sur les JO le 10 juillet: pour raisons de sécurité, il faut laisser place nette, pour la cérémonie d’ouverture du 26 juillet 2024. Quelque 570 boîtes à livres fixées au parapet le long de la Seine – sur quelque 900 au total – vont être déplacées: dans les jours précédant la cérémonie, le commerce et le fonds des bouquinistes devront quitter les lieux temporairement, leur a précisé la Préfecture dans un courrier. Certaines boîtes n’ont pas bougé depuis plus d’une centaine d’années. Mais les bouquinistes, déjà délaissés par les Parisiens et fragilisés par la pandémie de Covid-19, ont décidé de résister, craignant le manque à gagner qui résultera de ce déménagement forcé, alors que 16 millions de touristes sont attendus dans la Ville Lumière pendant les Jeux.
«Cauchemar logistique»
«J’ai des voisins qui, s’ils ne vendent pas un jour, ne mangent tout simplement pas», dit à l’AFP Alexia Delrieu, 50 ans, dans le métier depuis une douzaine d’années à proximité du pont de la Tournelle. «La belle époque, c’était il y a 20 ans et plus, avant internet. Maintenant, il faut trimer pour arriver au Smic», témoigne Guido Cuccolo, longue barbe blanche, âgé de 71 ans et implanté quai de Conti. La réalité économique est que beaucoup de ces commerçants ne se relèveraient pas de devoir attendre qu’en pleine saison touristique, on enlève, restaure et réimplante leurs boîtes en bois vert wagon.
Le vice-président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, Pascal Corseaux, «appelle à la raison». «Démonter ces boîtes est un cauchemar logistique. Beaucoup d’entre elles n’y survivront pas. Il y a une solution bien plus simple, qui est de faire passer des démineurs, de sceller les boîtes et de rouvrir très vite ensuite», estime-t-il. «Ceux qui nous disent que c’est tout à fait faisable de déménager, qu’on va nous rendre des boîtes très belles, ils ne se rendent pas compte», déplore Alexia Delrieu, qui est aussi autrice jeunesse, sculptrice et céramiste.
Bataille médiatique
Très vite, les bouquinistes ont compris qu’ils devaient jouer la carte de l’opinion. Elle s’est montrée extrêmement favorable à leur cause dès que le sujet a passionné les médias nationaux et internationaux. Dans la presse française, aussi bien le quotidien communiste «L’Humanité» que l’hebdomadaire »Le Journal du dimanche», désormais dirigé par le journaliste marqué à l’extrême droite Geoffroy Lejeune, sont allés récemment à leur rencontre.
Pour tout maire de Paris, la question des bouquinistes est délicate. Ils ne paient pas de loyer pour leur occupation du domaine public. Et ils ne suivent pas toujours scrupuleusement les règles qui doivent garantir, principalement, un minimum de cohérence dans le paysage et de jours d’ouverture. Guido Cuccolo, qui se dit contestataire-né, est «optimiste» quant à ses chances de rester là, JO ou pas. En dépit des autorités, car selon lui, «la mairie de Paris n’en a rien à faire de nous». Cet été la Ville de Paris a indiqué qu’elle prendrait en charge les réparations des boîtes endommagées, montant susceptible d’atteindre 1,5 million d’euros selon Jérôme Callais, représentant de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris.