Hockey sur glaceFribourg-Gottéron s’apprête à vivre l’enfer à Lugano
La Corner Arena, l’antre des Bianconeri, devient l’une des patinoires les plus hostiles du pays en play-off. Genève-Servette avait vécu un véritable calvaire, voici un an.
- par
- Ruben Steiger
«Je n’avais jamais vécu quelque chose comme cela, même lors des derbys lémaniques.» Benjamin Antonietti, ancien joueur de Genève-Servette et de Lausanne, garde un souvenir intact du quart de finale des play-off contre Lugano en 2023. Sur leur chemin vers le titre de champions de Suisse, les Aigles avaient dû franchir l’obstacle tessinois. «C’était clairement notre série la plus difficile», affirme l’homme qui a pris sa retraite après le sacre des siens.
Pourquoi? Comment expliquer que le GSHC, premier de la saison régulière, ait autant souffert contre les Bianconeri, dixièmes et qualifiés via les pré-playoff? L’explication principale tient en un nom: la Cornèr Arena. La mythique enceinte luganaise, plus connue sous le nom de Resega jusqu’en 2018, devient l’une des plus hostiles de Suisse dès lors que les play-off commencent. Le public, avec sa mentalité proche des tifosi italiens, y est sanguin.
Cela s’exprime par des chants bruyants dès l’entame des rencontres, des sifflets continus et assourdissants pendant les jeux de puissance adverses et de nombreux jets d’objets sur la glace en guise de contestation. «Les fans chantaient déjà avant l’échauffement du premier match, on se disait que l’ambiance allait être chaude, mais on ne s’attendait pas à vivre l’enfer», raconte Benjamin Antonietti.
Coupes de champagne en verre lancées sur la glace
Un élément revient immédiatement en tête de l’ex-attaquant. Lorsque des spectateurs assis en places VIP avaient balancé des coupes de champagne en verre sur la glace. «C’était la première fois de ma carrière où je sentais que les joueurs adverses étaient des cibles. Les insultes, on peut les accepter, mais là, la limite avait été dépassée. Puis quand tu regardes l’homme chargé de la sécurité et qu’il te fait des doigts d’honneur, tu comprends que personne n’est là pour t’aider.»
Cet épisode avait conduit Tanner Richard à comparer les supporters tessinois à des animaux de cirque après la partie perdue. L’histoire de désamour entre le numéro 71 et le public était née, et elle s’est poursuivie lors des actes IV et VI. L’international suisse avait finalement remporté ce duel en marquant deux buts lors du match décisif.
«Il a tout pris sur ses épaules et est devenu l’ennemi public numéro 1 pour le bien de l’équipe, se souvient Benjamin Antonietti. Il a tellement exagéré son comportement dès l’échauffement, en allant chambrer les fans, qu’ils ne se sont occupés plus que de lui. Ils le sifflaient à chaque prise de puck, mais l’ambiance était nettement plus calme lorsqu’il n’était pas sur la glace.»
Les Dragons savent à quoi s’attendre
De son côté, Fribourg-Gottéron est pleinement conscient de l’environnement dans lequel il va atterrir. D’une part car il s’est fait éliminer en pré-playoff en 2023 par Lugano, mais aussi parce que plusieurs éléments ont disputé des séries de play-off contre cet adversaire et que trois membres du staff (Christian Dubé, Pavel Rosa et David Aebischer) ont porté le maillot noir et blanc durant leur carrière.
«On sait que ça va être chaud, mais on n’a pas particulièrement préparé cet aspect, souligne Andrei Bykov. On a assez de joueurs d’expérience qui ont déjà vécu cela et qui arrivent à gérer ce genre de situations.» En 2012, les Dragons avaient remporté un quart de finale (la seule victoire de leur histoire en play-off contre Lugano) en allant s’imposer trois fois à la Resega.
Un Fribourgeois sera-t-il capable d’endosser le même rôle que Tanner Richard? «Je ne pense pas que ce soit nécessaire, notre force collective peut suffire», ajoute Bykov. On peut d’ores et déjà imaginer que Chris DiDomenico sera à suivre de près.
Un adversaire rempli de vice
La deuxième composante que devra gérer Gottéron, à domicile et à l’extérieur, sera la stratégie mise en place par un Lugano capable de produire du beau hockey tout en étant rempli de vice.
«C’est très frustrant de jouer contre eux, explique l’ex-Servettien. Ils ont une faculté assez exceptionnelle pour casser le jeu. Mikko Koskinen déplace son but plusieurs fois par match, certains joueurs, dont je tairai les noms, tombent un peu facilement et ils parlent beaucoup à travers les bancs. Tu n’as pas le moindre répit.»
Il y a fort à parier que Luca Gianinazzi usera des mêmes stratagèmes pour déstabiliser un Fribourg si souverain lors de l’acte I. «On est presque tombés dans leur piège, ils étaient à deux doigts de nous faire basculer, mais c’est le départ idéal en play-off, car si tu t’en sors, tu es blindé pour la suite», conclut Benjamin Antonietti.
Andrei Bykov et ses coéquipiers sont avertis. Fribourg-Gottéron, qui mène 1-0 dans la série, devra passer par l’enfer s’il veut aller au bout.