HumeurDébattre ou pas? Telle est la vaudoise question
Le conseiller d’État Frédéric Borloz a mis le feu à la campagne électorale en interdisant les débats de candidats dans le cadre scolaire.
- par
- Eric Felley
Le chef de l’éducation vaudoise, Frédéric Borloz, a décidé le 8 août dernier qu’il ne serait pas possible d’organiser des débats entre candidats dans les établissements scolaires durant les dix semaines avant les élections fédérales du 22 octobre prochain. Le Grand Conseil vaudois a confirmé cette décision et dorénavant, un groupe de députés veulent contester ce décret devant la Cour constitutionnelle pour obtenir un effet suspensif.
Tout est parti d’une demande des deux candidats aux États de gauche, Pierre-Yves Maillard et Raphaël Mahaim, qui ont écrit à Frédéric Borloz pour lui demander de faciliter l’organisation de tels débats. Et bien, la réponse est venue et c’était non. Diable, comment peut-on interdire ce qui fait la base de la vie politique helvétique: la confrontation des idées, les arguments, la rhétorique, la thèse, l’antithèse et la synthèse? Que de bonnes choses pour former les gymnasiens vaudois aux joutes oratoires!
«C’est la loi»
Pris sur le fait, le PLR Frédéric Borloz justifie cette entorse antilibérale dans «Le Temps»: «L’école doit rester neutre politiquement, affirme-t-il, la propagande politique est prohibée dans les classes. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la loi». Il lance une pique aux «candidats qui viennent potentiellement chercher des voix auprès du public captif que sont des élèves pendant le temps scolaire». Même si, dans leur très grande majorité, ces derniers n’ont pas le droit de vote.
À gauche, on déplore ce décret borlozien, car les débats sont des «moments vivifiants» ou des «moments formateurs et bénéfiques» pour les jeunes, qui fonctionnent comme une introduction à la vie politique, tout en alimentant une saine curiosité citoyenne. L’affaire a ému jusqu’en Suisse alémanique, où cette interdiction de débat «dans le plus grand canton romand» touche les fondements de la démocratie helvétique que sont les débats contradictoires, qui débouchent sur le dialogue et mène à la tolérance.
Finalement, dans ce débat sur le débat dans les écoles, il y a de bons arguments dans les deux camps. C’est un match nul, qui illustre une des difficultés de la démocratie helvétique, quand les deux camps ont de bons arguments d’égale justesse. À Berne, on dit volontiers que c’est toujours le Conseil des États qui a le dernier mot. Voilà ce qu’on devrait apprendre dans les gymnases vaudois.