Les espèces invasives sont plus utiles qu’on le dit

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Les études se sont jusqu’à présent concentrées sur l’impact négatif des espèces non indigènes. Des scientifiques, dont de l’UNIGE, proposent de voir le bon côté des choses.

Comm/M.P.
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Espèce invasive en Nouvelle-Zélande, la truite brune est devenue très appréciée par les pêcheurs.

Espèce invasive en Nouvelle-Zélande, la truite brune est devenue très appréciée par les pêcheurs.

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La majorité des études scientifiques sur les espèces non indigènes, souvent qualifiées d’invasives, portent sur leur impact négatif dans leur nouvel environnement. Le public a notamment en mémoire les méfaits de la moule zébrée ou de l’ambroisie. Une équipe internationale, composée de scientifiques des universités américaines de Brown et de Washington, ainsi que de l’Université de Genève (UNIGE), propose de «déplacer la focale» et de considérer les bienfaits que peuvent également amener ces «envahisseurs».

«Les impacts positifs des espèces non indigènes sont souvent expliqués comme des surprises fortuites, le genre de choses que les gens pourraient s’attendre à voir se produire de temps en temps, dans des circonstances particulières», indique Dov Sax, professeur au Département d’écologie, d’évolution et de biologie organique de l’Université Brown. «Notre étude soutient que les impacts positifs des espèces non indigènes ne sont ni inattendus, ni rares, mais au contraire communs, importants et souvent de grande ampleur».

Faire un bilan coûts-bénéfices

L’étude, parue dans la revue «Trends in Ecology and Evolution», préconise d’utiliser un cadre développé par IPBES, une plateforme internationale pour l’évaluation de la biodiversité et de ses services écosystémiques, qui examine les avantages de la biodiversité pour les êtres humains et la nature et applique celui-ci aux espèces non indigènes. Il permettrait ainsi d’envisager «ces espèces de manière constructive et de documenter explicitement leurs avantages», explique le chercheur. L’idée est ensuite de faire un bilan coûts-bénéfices pour voir si l’apport d’une espèce est positif ou négatif.

Les vers de terre sont cités comme exemple d’espèce non indigène dont les avantages sont sous-estimés. S’ils peuvent modifier de manière négative les écosystèmes forestiers, ils peuvent également améliorer l’agriculture biologique. Une méta analyse a en effet montré que leur présence peut entraîner une augmentation de 25% de la productivité agricole. La diminution du coût des aliments qui en résulte et la capacité accrue à nourrir les gens constituent un avantage économique direct.

Une espèce invasive protégée

L’étude met également en avant les avantages inattendus d’une autre espèce non indigène, la truite brune. Prenant l’exemple de la Nouvelle-Zélande, elle démontre que la plupart des espèces non indigènes qui ont envahi le pays ont des conséquences négatives et que les résidents se concentrent donc sur leur éradication. Pourtant, le pays a bien adopté la truite brune: les Néo-Zélandais en apprécient tellement les avantages nutritionnels et les avantages récréatifs liés à sa pêche qu’ils ont établi de nouvelles réglementations environnementales pour protéger l’espèce dans leurs eaux.

«La relation que les gens entretiennent avec la nature, sa valeur intrinsèque, les services écosystémiques, l’approvisionnement en ressources sont autant d’éléments que nous apprécions chez les espèces indigènes. Il existe également des moyens de voir que les espèces non indigènes contribuent à ces avantages», explique Martin Schlaepfer, chargé de cours à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE.

Par exemple, les espèces non indigènes peuvent être une cause majeure d’extinction d’espèces mais aussi contribuer, par leur propre migration, à la biodiversité régionale en augmentant la richesse spécifique, y compris en Suisse. Les espèces de moules introduites dans les lacs suisses, par exemple, peuvent altérer les nutriments disponibles tout en augmentent la clarté de l’eau. «Nous soutenons que les préjugés de longue date contre les espèces non indigènes dans la littérature ont obscurci le processus scientifique mais aussi entravé les avancées politiques et la bonne compréhension du public. Les recherches futures devraient tenir compte à la fois des coûts et des avantages des espèces non indigènes», conclut Martin Schlaepfer.

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