FootballDennis Iapichino a passé deux ans à broyer du noir
Le latéral gauche du FC Sion retrouve le terrain depuis le début de saison. Un soulagement avant d’affronter Servette samedi et après avoir dû subir le Covid, la maladie et les blessures.
- par
- Valentin Schnorhk Riddes
Le ton est parfois hésitant. La voix presque tremblotante, lorsque viennent en tête les moments les plus difficiles. Par pudeur sans doute plus que par honte, Dennis Iapichino ne prononcera pas lui-même le terme «dépression». Mais il ose l’admettre: «Oui, on peut dire qu’il y avait de ça».
Le traditionnel point presse d’avant-match du FC Sion n’avait pas habitué à une telle franchise. Le derby contre Servette a lieu dans deux jours, et le service de communication du club valaisan avait choisi d’amener un ancien Grenat derrière les micros. Mais l’affiche de samedi a été reléguée en fin de conférence de presse. Parce qu’avant ça, Iapichino, titulaire à gauche de la défense lors des deux premières journées, ressentait le besoin de raconter ses deux premières années sédunoises, lui qui avait rejoint le Valais à l’été 2020, pour le début de la saison «post-Covid». Il ne s’imaginait pas plonger dans la brume.
Le début des «problèmes»
Le virus, le Zurichois l’a en effet subi de plein fouet. Pas tant la maladie, qui ne l’a cloué au lit que quelques jours. Les tests positifs à répétition, eux, l’ont isolé du monde bien plus longtemps: «Cela a duré 27 jours, souffle-t-il. J’étais enfermé dans ma chambre d’hôtel. Je ne bougeais plus, je ne faisais plus rien. C’était dur.» Il n’avait alors joué que trois matches sous ses nouvelles couleurs.
Près d’un mois durant donc, il ne s’entraîne plus. «Donc je perdais en muscles, explique-t-il. Et quand je suis sorti, mes muscles ont commencé à s’étirer lorsque je jouais. C’est là qu’ont commencé les problèmes: je n’étais plus aussi bien physiquement, et quand j’allais sur le terrain, je devais donner le maximum. C’était une situation nouvelle pour tout le monde, on ne savait pas comment gérer l’après-Covid. C’est arrivé à moi comme à plein d’autres sportifs.»
Les «problèmes», ce sont donc des ennuis de santé à répétition. Un sprint, et il ressent des douleurs. Durant sa première saison, à trois reprises, il est victime d’une déchirure musculaire. Iapichino joue quelques matches et se blesse. Et ainsi de suite. Puis, quand il croit revenir, le sort s’acharne. Un match de Coupe de Suisse mi-août 2021 et il est touché au ligament collatéral du genou droit en fin de match.
18 minutes en 2021-22
Et après ça, une infection du sang qui le laisse à la maison durant près de trois mois. «Un jour, j’avais de la fièvre, un jour non, décrit le latéral. C’était un autre coup dur, parce que le médecin n’en trouvait pas les raisons. Ce n’était pas facile, parce que tu vois l’équipe souffrir et tu te mets aussi de la pression.»
L’histoire semble ne jamais s’arrêter: en janvier dernier, peu avant de partir en stage avec l’équipe à Marbella, c’est le Covid qui tape de nouveau à sa porte. «Là, je me sentais mieux que la première fois, ça n’a duré qu’une semaine. Mais quand je suis revenu, je me suis de nouveau fait une petite lésion derrière la cuisse. Je n’ai pu revenir que pour l’avant-dernière journée, lorsque je suis rentré contre Lausanne.» Ses 18 seules minutes en championnat de la saison 2021-22.
Deux ans durant, Dennis Iapichino a donc broyé du noir, tiraillé entre l’envie d’aller mieux et de retrouver les terrains et le besoin d’écouter son corps, d’accepter ses faiblesses. «Ce fut très difficile parce que je n’étais pas habitué à ça, au fait de ne plus pouvoir jouer du tout, revoit-il. Ce n’était pas simple. Parce que quand tu es malade, c’est encore autre chose que quand tu es blessé. Tu ne le vis pas bien. J’étais arrivé à Sion avec des objectifs et au lieu de ça, tout a mal tourné.»
«Je suis sur le bon chemin»
Le sort ne fait pas de cas avec les personnes sur lesquelles il s’acharne. Il n’y a d’autre choix que de l’accepter, même quand cela ressemble à une malédiction: «En regardant autour de moi, je me suis rendu compte qu’il y avait des gens encore plus maudits que moi, accepte-t-il. C’est la vie, le Covid était un élément nouveau pour tout le monde. Et je suis une personne qui cherche à rester positive, à regarder vers l’avant. Je devais m’y tenir.» A-t-il cherché du soutien? «J’avais ma famille, ma copine, oui. Mais d’un autre côté, quand ça ne va pas, il n’y a que le terrain qui compte. Et pour ça, personne ne peut vraiment t’aider.» Si ce n’est le temps.
Dennis Iapichino espère simplement tenir sa revanche. Il s’efforce de croire que tout est terminé et qu’à 32 ans, il a encore de belles choses à accomplir. «Je ne suis pas encore à mon meilleur, admet l’ancien Servettien. Il y a encore quelques détails à régler, comme la force. Mais je suis sur le bon chemin. J’ai compris que je ne devais pas me mettre trop de pression, que je ne devais pas être nerveux. Parce que sinon, tu n’arrives nulle part.» L’humilité d’un homme qui a accepté que son corps n’était pas une machine.