Qatar 2022Coup de gueule: Messieurs, honte à vous, vous nous avez menti
La débandade de la Suisse contre le Portugal (6-1) risque de laisser des traces. Comment ces joueurs ont-ils pu à ce point nous enfumer? Il y a de quoi leur en vouloir.
- par
- Nicolas Jacquier
Il y a là, dans la gorge et dans le cœur aussi, quelque chose qui ne passe pas. Et ce sentiment de honte ne s’est pas estompé après deux nuits. Il y a là comme une méchante rogne, l’expression d’une froide colère, qui s’est installée jusque dans les tripes et qui ne nous quitte plus.
Oui, après avoir écrit - sali plutôt - l’histoire à votre manière, après avoir concédé la plus humiliante des défaites face à un très beau Portugal, il y a de quoi vous en vouloir Messieurs, et pas qu’un peu.
Parce que vous n’avez pas joué comme il aurait fallu le faire. Parce que vous n’avez pas couru comme il aurait fallu courir. Parce que vous n’avez jamais affiché la grinta qu’il aurait fallu exprimer. Parce que vous n’y avez pas cru autant que nous. Parce que vous n’avez jamais été à la hauteur des ambitions claironnées.
Enfumage
La réalité qui fait mal, Messieurs, c’est que vous nous avez tous menti; vous nous avez embobinés pour mieux vous soustraire à vos responsabilités en nous enfumant. Alors que vous aviez fait naître, probablement partout dans ce pays, le début de quelque chose - appelons ça une douce euphorie -, vous avez salopé le travail et bousillé notre rêve de prolonger ce fragile bonheur contagieux. En trahissant notre confiance. Si tout s’est écroulé comme un château de cartes, c’est à cause de vous.
Si souvent irréprochable dans son rôle de sauveur de la nation, Yann Sommer a été le premier à faillir - pourquoi, alors qu’il était de toute évidence insuffisamment remis, ne s’est-il pas abstenu, ou pourquoi ne lui a-t-on pas ordonné de le faire?
Pour un peu, on en aurait chialé devant son poste - mais vous, qu’avez-vous fait hormis vous en retourner dans votre palace de pacotille? Vous ne méritez pas que l’on vous aime pareillement. Les propos pathétiques de Murat Yakin – «nous avons simplement perdu un match», etc. – traduisent l’énorme décalage avec une vérité qui dérange. Non mon gars, désolé de te le balancer aussi crûment si tu l’ignorais, ce n’était pas qu’un match… La Suisse se trouvait mardi soir sur le plus grand terrain de jeu de la planète et ton équipe n’avait pas le droit de présenter cette infâme bouillie aux yeux du monde. À quoi sert-il de battre le Portugal et l’Espagne en Ligue amicale des nations pour finir comme ça, quitter le Mondial par la porte de service?
Mais Yakin, avec son air goguenard, a préféré s’en sortir avec une nouvelle pirouette, en faisant le mariole plutôt qu’en remettant en question ses choix, comme si rien n’était grave alors que cela l’était. Un chef, c’est d’abord assumer ses erreurs au lieu de charger sa troupe en se défilant. Avec son coup d’esbroufe foireux, le sélectionneur a cru bon jouer à pile ou face, ça passe ou ça casse et on a vu le résultat. Quelques heures plus tard, Élisabeth Baume-Schneider allait infiniment mieux manœuvrer que lui.
Yakin devrait partir de lui-même
Personne ne peut évidemment sortir indemne d’un huitième de finale de Coupe du monde perdu 6-1 quand on prétend vouloir conquérir le monde. Après vos piteuses explications et de vos excuses foireuses, vous n’en sortirez donc pas indemnes. Au-delà des discours de façade destinés à noyer un poisson déjà mort, des comptes vont se régler dans un vestiaire peut-être plus divisé qu’il n’y paraît.
Par paresse ou manque de clairvoyance, n’a-t-on pas voulu tenir compte les signaux d’alertes qui s’accumulaient (il y en a eu)? S’est-on tous laissé bercer d’illusions? Bien que possédant une «grande» équipe – c’est du moins ce que l’on nous a fait croire et que, c’est vrai, l’on a naïvement cru -, la Suisse ne sera jamais un pays de football au même titre que peut l’être le Portugal. La voici qui a laissé passer sa chance de la pire des façons alors qu’il y avait au Qatar la meilleure génération de tous les temps et la perspective, avec la qualification du Maroc (et sans rien enlever aux mérites de celui-ci), d’une théorique demi-finale.
S’il avait vraiment de la classe, Murat Yakin rendrait son tablier et remettrait sa démission en arrivant aujourd’hui à Zurich pour s’en retourner sur les terrains de golf. On sait déjà qu’il n’aura pas ce courage-là. Comme la Suisse n’a pas eu le courage de ne pas nous faire honte.
Oui, là, ce matin encore, après ce rêve transformé en cauchemar, il y a quelque chose qui ne passe toujours pas. Parce que la colère noire qui nous a envahi ne s’efface pas aussi facilement que les rêves de grandeur de la Suisse du football.