Tony Bennett: «J’espère continuer à chanter jusqu’à 100 ans»

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SouvenirsTony Bennett: «J’espère continuer à chanter jusqu’à 100 ans»

En 2012, nous avions eu la chance d’interviewer la légende du jazz décédée à 96 ans qui nous parlait notamment de sa passion pour la musique, la peinture et de sa dernière rencontre avec Amy Winehouse. À relire.

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger
L’agente de Tony Bennett a annoncé le 21 juillet le décès du chanteur.

L’agente de Tony Bennett a annoncé le 21 juillet le décès du chanteur.

AFP

Il était le dernier crooner. Tony Bennett, petit-fils d’immigrés italiens né dans le Queens, à New York, en 1926, a connu les plus grands. Frank Sinatra lui-même le considérait comme le meilleur chanteur. Il est décédé à 96 ans, avec plus de septante ans de carrière et plus de 70 disques au compteur. C’est son agente Sylvia Weiner qui a confirmé la nouvelle via l’Associated Press. Nous avions eu la chance de l’interviewer en juin 2012, juste avant son passage au Montreux Jazz. Il est ensuite revenu au festival en 2015 en duo avec Lady Gaga.

«J’adore ce que je fais, Je peux dire honnêtement que je me sens comme si je n’avais jamais travaillé un seul jour de ma vie», avait-il confié avec classe, comme toujours. Il nous a ensuite parlé de son album «Duets II» sur lequel il avait collaboré avec notamment Amy Winehouse, Lady Gaga et Michael Bublé.

«Duets II» est votre premier album à être numéro un aux États-Unis. À 86 ans, est-ce encore important de battre des records?

Pas vraiment. C’est plus important de toujours chanter le mieux possible. Mais un ami, quand il a entendu la nouvelle, m’a dit: «Ça n’arrivera probablement plus jamais!»

Ces duos étaient un moyen de vous faire connaître auprès de la jeune génération?

Danny, qui est mon fils et mon manager, a eu l’idée du premier projet de duos quand j’ai eu 80 ans. J’aime travailler avec cette génération. Ça a été particulièrement sur «Duets II», où les artistes sont bien plus jeunes que sur le premier disque. Ils me demandent comment faire durer leur carrière et garder leur voix intacte. Mais le plus important est de transmettre les titres du «Great American Songbook» (ndlr.: le grand répertoire de la musique américaine des années 1920 à 1960). Il y a beaucoup de fans de Lady Gaga qui n’avaient jamais entendu «The Lady Is A Tramp» avant ce duo.

Vous avez d’ailleurs dessiné Lady Gaga nue. Comment l’avez-vous convaincue?

Eh bien, la photographe Annie Liebovitz faisait un shooting de Lady Gaga pour «Vanity Fair» à New York et on m’a proposé de profiter de l’occasion pour la dessiner. C’est Annie qui m’a demandé si je pouvais faire un nu. Puisque c’est quelque chose que j’ai fait toute ma vie, ça a été réalisé avec bon goût. Et c’est bien que nous ayons fini par vendre le portrait aux enchères pour amasser des fonds pour deux de nos œuvres de charité.

Vous peignez en tournée?

J’essaie de peindre tous les jours, que je sois sur la route ou chez moi à New York. Quand je ne suis pas au studio, j’ai toujours un petit carnet de croquis que je garde dans ma valise. Je voyage aussi avec des aquarelles qui sont faciles à transporter.

Quel souvenir gardez-vous de votre rencontre avec Amy Winehouse?

J’ai rencontré pour la première fois Amy en backstage à l’un de mes concerts au Royal Albert Hall, à Londres. Elle était venue avec son père, Mitch, et elle m’a dit qu’ils étaient tous les deux des grands fans. Je l’ai crue, d’autant plus qu’elle est revenue le lendemain soir. Quand on a enregistré aux studios Abbey Road en mars 2011 elle était très nerveuse, mais travailler avec elle a été tellement une révélation. Elle était une pure chanteuse de jazz et n’avait pas peur de prendre des risques quand elle chantait. Chaque prise était différente. Quand je lui ai dit qu’elle me rappelait Dinah Washington elle s’est illuminée, avouant que Dinah était sa «déesse». Ça l’a complètement relaxée et elle a offert une interprétation magnifique de «Body And Soul».

Dans votre carrière, avez-vous vous aussi connu une période d’obscurité?

J’en ai connu une au début des années 1970 – je venais de quitter Columbia Records –, mais, durant cette période, j’ai pu enregistrer deux albums avec le regretté pianiste de jazz Bill Evans. Et ce sont mes préférés. Donc ça a eu un effet positif. J’ai appris à garder mon calme et j’essaie vraiment de rester positif autant que possible.

Vous faire accompagner par votre fille, Antonia, en tournée, c’est une façon de passer le témoin?

J’adore l’avoir avec moi sur la route. J’ai beaucoup de chance que ma famille s’implique dans ma carrière. Quand elle se produit sur scène, Antonia suscite une très grande réaction de la part du public. Elle a étudié à la Berklee School of Music, donc elle a de très bonnes bases. Mais, bien sûr, il n’y a rien de mieux que la tournée pour se faire la main. Comme m’a dit Pearl Bailey lorsqu’elle a lancé ma carrière: «Je peux te donner ta chance, mais ça te prendra dix ans rien qu’à apprendre à marcher correctement sur scène.»

Avez-vous déjà pensé à quoi pourrait ressembler votre tournée d’adieu?

Non, j’adore ce que je fais et j’espère que je pourrais continuer à chanter jusqu’à 100 ans!

Quels sont vos souvenirs de votre passage à Montreux en 1996?

Il n’y a rien de comparable et le public apprécie tellement la bonne musique que c’est un plaisir de se produire ici. Il y a aussi ces paysages magnifiques. Je sais déjà que je peindrai quelques toiles quand je serai à Montreux.

Vous portez toujours de merveilleux costumes. La musique est-elle avant tout une question d’élégance?

On me demande souvent pourquoi je porte toujours un costume et une cravate, et je réponds: «Parce que j’aime ressembler à personne d’autre!»

«Quand Frank Sinatra a disparu, j’ai voulu lui rendre hommage, alors j’ai décidé de donner son nom à l’école. Son influence sur nous tous ne sera jamais oubliée.

Tony Bennett, chanteur

Vous avez fondé une école d’arts dans le Queens que vous avez baptisée The Frank Sinatra School of Arts. À quel point Sinatra est-il important pour vous?

Frank Sinatra était de dix ans mon aîné, donc j’étais un bobby soxer (ndlr: un fan de swing) au Paramount Theater bien avant que nous nous rencontrions en tant que partenaires de scène. Il a été d’une grande aide avec moi tout au long de ma carrière. Même si je n’ai jamais fait partie du Rat Pack à Los Angeles et que je vivais à New York, nous sommes toujours restés en contact. Quand il a disparu, j’ai voulu lui rendre hommage, alors j’ai décidé de donner son nom à l’école. Son influence sur nous tous ne sera jamais oubliée.

Vous avez récemment chanté dans un épisode de la série «Blue Bloods». Vous verra-t-on un jour à l’écran en tant qu’acteur?

J’aime bien faire des apparitions spéciales dans mon propre rôle de temps en temps, mais être acteur ne m’intéresse pas. Un jour, Cary Grant m’a dit que c’était bien mieux de se produire tous les soirs sur scène face à un public et qu’être acteur de cinéma était le job le plus fastidieux du monde… Alors, j’ai suivi le conseil et je continue à me produire en live uniquement.

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