Union européenneCatalan et basque comme langues officielles? Les 27 temporisent
L’Espagne a fait sa demande sous pression des indépendantistes catalans. Les ministres des Affaires étrangères des pays membres ont demandé un temps de réflexion.
Reconnaître le catalan, le basque et le galicien comme langues officielles de l’UE: cette demande du gouvernement espagnol a été débattue mardi, par les ministres des Affaires européennes, qui ont soulevé des objections et réclamé plus de temps pour se prononcer. «Nous ne sommes pas en train de parler de langues minoritaires», a plaidé le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, à Bruxelles. «Le catalan est parlé par plus de 10 millions de personnes, ce qui le place au-dessus de beaucoup des langues des représentants réunis autour de la table», a-t-il lancé.
L’Union européenne, où l’on dénombre une soixantaine de langues régionales ou minoritaires, compte actuellement 24 langues officielles. Ce statut implique notamment que les documents juridiques de l’UE (traités, règlements ou accords internationaux) soient traduits dans ces langues, et qu’une interprétation soit disponible pour les sommets et réunions ministérielles. Une telle reconnaissance nécessite une décision à l’unanimité des Vingt-Sept.
Exigence des indépendantistes
La requête du gouvernement du Premier ministre espagnol sortant Pedro Sanchez, transmise en plein mois d’août, était une exigence des indépendantistes catalans. Le dirigeant socialiste aura absolument besoin d’eux prochainement s’il veut espérer être reconduit au pouvoir.
Une situation politique sensible bien comprise au sein des Vingt-Sept, qui ont toutefois pour certains peu goûté l’empressement de l’Espagne – qui exerce la présidence semestrielle du Conseil de l’UE – à mettre ce sujet à l’agenda.
«Trop tôt pour se prononcer»
Mardi, la prudence était de mise chez de nombreux ministres. «Nous allons demander une étude juridique pour voir comment est-ce que l’on peut accommoder l’Espagne sur ce sujet», a déclaré la secrétaire d’Etat française aux Affaires européennes, Laurence Boone. Comme elle, les ministres allemande, croate et suédoise notamment ont réclamé une analyse sur les conséquences juridiques mais aussi financières d’une telle reconnaissance.
«Il est trop tôt pour se prononcer», a estimé la ministre suédoise, Jessika Roswall. «Il y a un grand nombre de langues minoritaires dans l’Union européenne qui ne sont pas des langues officielles», a-t-elle ajouté, en référence à un possible effet domino dans d’autres pays.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères s’est quant à lui réjoui «qu’aucun Etat membre n’ait mis son veto» à la proposition, et annoncé la mise en place d'un «groupe de travail» pour répondre aux questions.
Catalan en premier
Devant les objections des Etats membres à inclure trois langues d’un coup, l’Espagne a proposé que le processus soit progressif, en donnant la priorité au catalan. L’Espagne a aussi proposé de prendre en charge elle-même les coûts de traduction et d’interprétation liés à une telle réforme.
Les implications financières de cette proposition sont particulièrement scrutées, au moment où de difficiles négociations sont en cours sur une rallonge au budget pluriannuel de l’UE, prenant en compte notamment les conséquences de la guerre en Ukraine.
Le débat linguistique a même gagné le terrain du football: Pep Guardiola, entraîneur de Manchester City, et Joan Laporta, président du FC Barcelone, tous deux catalans, ont appelé les Etats membres à faire bouger les lignes, dans des vidéos postées ces derniers jours sur X (anciennement Twitter).
En Espagne, catalan, basque et galicien ont le statut de langues coofficielles, tandis que le castillan (l’espagnol) est la seule langue officielle dans l’ensemble du pays. Depuis ce mardi, les députés qui le souhaitent peuvent s’exprimer en séance plénière au Parlement espagnol dans ces trois langues, avec traduction simultanée.