FootballBrian Beyer: «Je quitte Yverdon avec un sentiment d’échec»
Transféré à Annecy, l’attaquant français de 27 ans se livre à cœur ouvert sur sa mise à l’écart à YS et dresse le bilan de son passage dans le Nord vaudois.
- par
- Brice Cheneval
Brian, décrivez-nous vos premiers pas à Annecy…
Tout se passe bien. On m’a bien accueilli. Je ne connaissais pas Annecy mais j’en ai beaucoup entendu parler positivement. Et je confirme, c’est une très belle ville. En ce qui concerne le club, les infrastructures sont bonnes, comme le niveau de jeu et l’ambiance au sein du groupe, des premières impressions que j’ai eues.
Comment s’est construit ce transfert?
Deux recruteurs du club avaient assisté à l’un de nos matches la saison dernière, pour observer l’un de nos joueurs, et j’avais retenu l’attention de l’un d’eux. Depuis, ils ont continué à me suivre, jusqu’à ce que je m’entretienne avec le directeur sportif (ndlr: Jean-Philippe Nallet) et le recruteur. En toute fin d’année, j’ai reçu un appel de l’entraîneur (ndlr: Laurent Guyot), avec qui le contact passe bien. Et tout de suite après, on a discuté du contrat.
Quel projet vous a-t-on présenté?
L’objectif, c’est le maintien. Sur le plan personnel, on ne m’a pas promis une place de titulaire. Mes performances dicteront mon temps de jeu.
Vous quittez Yverdon sans avoir joué le moindre match depuis trois mois, écarté de l’équipe première après en avoir été le héros la saison dernière. Dans quel état d’esprit partez-vous?
Avec un sentiment d’échec. Je n’ai pas eu le crédit que j’estimais mériter, après ce que j’ai apporté la saison dernière (ndlr: 12 buts et 4 passes décisives en 36 matches de Challenge League). Je suis déçu, j’aurais pu faire de grandes choses en Super League.
Comment expliquez-vous votre rétrogradation au sein de l’équipe?
À l’issue de la saison dernière, j’ai reçu beaucoup de sollicitations en Super League. Quand l’ancienne direction était encore en place (ndlr: YS a été racheté le 29 juin par l’homme d’affaires américain Jamie Welch, puis Jeffrey Saunders s’est installé à la présidence), Saint-Gall a transmis une offre, qu’Yverdon a refusée. Après l'arrivée des recrues, les nouveaux dirigeants m'ont fait savoir qu’ils ne comptaient pas sur moi. Ils sont même allés jusqu’à relancer Saint-Gall avant la fermeture du mercato pour me brader. À ce moment-là, j'ai eu une bonne discussion avec Peter Zeidler, un super entraîneur avec qui j’ai eu un excellent feeling. Mais le directeur sportif de Saint-Gall (ndlr: Alain Sutter, récemment évincé) avait opté pour un autre joueur et au final, le transfert ne s’est pas concrétisé. J’ai alors décidé de ne pas prolonger avec Yverdon, je ne voulais pas prendre le risque que le club me bloque à nouveau à l’avenir.
Vous débutez pourtant la saison dans le rôle de titulaire…
Je joue six des huit premiers matches, dont les trois premiers en tant que titulaire en effet. À cette période, le président me soumet une offre de prolongation. Je refuse et lui envoie une contre-opposition, qu’il rejette à son tour. À partir de là, on m’a mis à la cave. Y compris à l’entraînement: je participais aux séances tactiques mais pas aux oppositions, lors desquelles on me laissait de côté.
Vous avez refusé de prolonger à cause de la perte de confiance en vos dirigeants ou pour une question salariale?
Les deux. Lorsque j’ai soumis la contre-proposition à mon président, je n’ai pas abusé: j’ai demandé le minimum salarial d’un joueur qui a contribué à faire remonter Yverdon en première division. Une rémunération que j’estimais à ma juste valeur, en connaissant le salaire des recrues et en sachant que mon contrat actuel, mon premier chez les pros, ne pesait pas lourd dans les finances du club. Si le groupe de l’année dernière n’avait pas été là, la direction actuelle n’aurait jamais racheté le club. Il faut être un minimum reconnaissant, humain.
On vous a expliqué que si vous refusiez de prolonger, vous alliez être écarté?
Non, on ne me l’a pas dit. Mais on me l’a fait comprendre. Même l’entraîneur, Marco Schällibaum, était surpris de la situation. Je pense que les dirigeants agiront de cette manière avec tous les joueurs qui, comme moi, arrivent en fin de contrat en juin. La philosophie des nouveaux dirigeants, c’est d’amener leurs joueurs et en tirer de l’argent. Ce n’est plus un club familial, c’est du business.
Comment avez-vous vécu ces trois mois sans jouer?
Tu n’as plus envie, en fait. J’en suis arrivé à un point où cela m’arrangeait d’avoir contracté une appendicite. Normalement, tu es de retour au bout de deux semaines. Moi, j’ai étiré mon arrêt sur deux mois. Je ne voulais plus entendre parler d’Yverdon. Je n’ai plus mis les pieds au club depuis, même pas pour récupérer mes affaires.
Avez-vous ressenti une perte d’identité du club après le rachat?
Tous ceux qui suivent Yverdon le ressentent. Comment justifier le limogeage d’un entraîneur (ndlr: Marco Schällibaum) qui fait remonter le club en première division et l’a hissé à la 8e place après 12 journées? J’imagine qu’on lui a demandé de faire des choix qui allaient à l’encontre de sa volonté. Il était tiraillé entre sa position et celle de la direction. En regardant les matches, je m’étonne de voir le directeur sportif (ndlr: Filippo Giovagnoli) être assis à côté du nouveau coach (ndlr: Alessandro Mangiarratti), limite en train de donner ses propres consignes! Et qu’est-ce que j'apprends dernièrement? Le fils du président intégré aux entraînements… Certaines personnes investissent dans des clubs sans connaître l’environnement où ils mettent les pieds, seulement guidés par l’appât du gain. Or, une équipe a besoin d’identité, c’est ça qui plaît aux supporters. Si on est devenu champion de Challenge League, c’est parce qu’on était une famille.
Votre passage à Yverdon, c’est aussi 18 premiers mois de rêve. Quels souvenirs gardez-vous de votre étape dans le Nord vaudois?
C’est un club qui m’a donné de la confiance et offert mon premier contrat professionnel, où on m’a très vite mis à l’aise. Les supporters, aussi, m’ont très bien accueilli. On m’a tellement donné, j’étais obligé de rendre. Je peux dire que j’ai contribué à écrire l’histoire de ce club. Je ne retiens que du positif. Même les six derniers mois m’ont fait grandir, m'ont apporté de l’expérience. J’arrive à Annecy plus fort.
Votre départ à Annecy marque également la fin d’une aventure de quatre ans et demi en Suisse, de Bassecourt à Yverdon en passant par Bienne. Quel bilan en tirez-vous?
J’en suis très fier. Je quittais la France, où je jouais peu, pour arriver en 4e division suisse et gravir les échelons petit à petit. Entretemps, j’ai marqué l’histoire à Yverdon et je reviens en France en Ligue 2. La Suisse m’a servi de tremplin et je me sens reconnaissant. Si j’étais resté de l’autre côté de la frontière, je n’aurais peut-être pas pu vivre du football. Et je ne pensais jamais devenir professionnel. Je ne peux pas dire que c’était un rêve, parce que je n’en ai jamais rêvé. Ce qui est bien c’est que dans ma carrière, j’ai toujours fait les bons choix.
Après autant de temps sans jouer, dans quelle forme vous sentez-vous?
Je me sens bien. J’ai beaucoup travaillé individuellement ces trois derniers mois. À l’entraînement, ici, je ne suis pas à la rue. Le rythme, je l’ai. En revanche, je ressens vite des contractions musculaires, ce qui est normal. Je suis en train de me remettre à jour.