Bande dessinéeLe pape de l’érotisme adapte «Le nom de la rose»
Milo Manara, l’homme qui dessine si bien les femmes, s’empare du roman d’Umberto Eco où elles sont pourtant quasi absentes.
- par
- Michel Pralong
C’est le roman le plus connu de l’Italien Umberto Eco: «Le nom de la rose». Le livre a déjà fait l’objet d’une brillante adaptation au cinéma en 1986 par Jean-Jacques Annaud, Sean Connery jouant le moine détective Guillaume de Baskerville.
Aujourd’hui, c’est un des maîtres italiens de la BD, Milo Manara, qui s’empare de cette histoire. Pour rappel, l’intrigue se déroule dans une abbaye du nord de l’Italie où plusieurs moines sont assassinés. L’enquête, bien que palpitante, est surtout un prétexte pour décrire l’église de l’époque et l’importance des moines copistes, la gigantesque abbaye abritant une bibliothèque ressemblant à un vrai labyrinthe.
Si Manara est extrêmement connu pour ses représentations sensuelles des femmes et ses ouvrages érotiques tels «Le déclic» ou «Le parfum de l’invisible», il ne faut évidemment pas le réduire uniquement à cela. Que ce soit avec sa série Giuseppe Bergman ou ses collaborations avec Fellini ou Pratt, on ne peut que s’extasier devant la beauté de son dessin.
Brando au casting
À 78 ans, il n’a rien perdu de son talent, comme il le prouve une nouvelle fois avec ce «Nom de la rose» premier volume. Il réutilise sa technique de noir et blanc au lavis, rehaussé d’effets de matières et de modelés qu’il avait déjà expérimenté avec «Le Caravage». Cela donne une dimension très inquiétante au récit, sombre et glacial dans cette neige qui recouvre l’abbaye. Manara n’a pas choisi Connery mais Marlon Brando pour incarner Guillaume de Baskerville. C’est l’avantage de la BD, on peut donner les traits de qui l’on veut pour ses personnages.
Manara se fait plaisir en dessinant des enluminures telles que le faisaient les moines copistes et parvient, dans cet univers exclusivement masculin, à trouver quand même dans une histoire du passé le moyen de représenter une splendide femme et de la montrer nue sur la couverture. Car une femme, il y en aura certes une autre, qui inspire le titre du roman, mais elle n’apparaît pas encore dans ce premier tome. Le film était différent du livre et là encore, la vision de Manara est personnelle, nous faisant découvrir d’autres aspects de cette histoire. Un album d’une stupéfiante beauté.