ClimatLe réchauffement causé par l’humanité atteint un rythme inédit
Dans une vaste étude, une cinquantaine de scientifiques de renom rappellent l’urgence de réduire les émissions mondiales de CO2 et de méthane et évoquent une décennie «critique».
Le réchauffement dû aux activités humaines s’accroît désormais à un rythme de plus de 0,2 °C par décennie, avec des émissions de gaz à effet de serre à un niveau inédit, selon une étude réalisée par une cinquantaine de chercheurs de renom. Publiés dans la revue «Earth System Science Data», ces travaux s’appuient sur les méthodes du Giec, les experts climat mandatés par l’ONU.
L’intérêt de l’étude est de fournir des indicateurs actualisés à partir du rapport du Giec de 2021, sans attendre le prochain cycle dans plusieurs années. «C’est un dur rappel à la réalité des faits, par rapport à l’urgence de réduire les émissions mondiales de CO2 et de méthane, pour permettre de limiter le réchauffement planétaire et l’intensification des risques qui en découle», a déclaré la paléoclimatologue française Valérie Masson-Delmotte, qui a participé à l’étude.
«Bilan mondial» en septembre
Ces nouvelles estimations publiées jeudi interviennent au milieu d’une année déterminante pour la politique climatique. En septembre est attendue la publication du premier «bilan mondial» des engagements des différents États pour mettre en œuvre l’accord de Paris. Celui-ci prévoit de limiter le réchauffement bien en dessous de 2 °C et si possible à 1,5 °C, par rapport à la période préindustrielle.
Or le réchauffement causé par les activités humaines, essentiellement avec l’utilisation de combustibles fossiles, a déjà atteint 1,14 °C sur la période 2013-2022 et 1,26 °C en 2022, selon les calculs de l’étude. Les scientifiques préviennent que l’humanité se retrouve face à une décennie «critique» alors que le seuil de 1,5 °C pourrait être atteint ou dépassé au cours des 10 prochaines années.
«Actions pas encore à l’échelle»
«Les dernières preuves disponibles montrent que les actions prises au niveau mondial ne sont pas encore à l’échelle nécessaire pour occasionner un changement significatif dans la direction de l’influence humaine sur les déséquilibres énergétiques de la planète et le réchauffement qui en résulte», écrivent les scientifiques.
Ce rythme du réchauffement est causé par des émissions de gaz à effet de serre à des niveaux record, avec quelque 54 milliards de tonnes de dioxyde de carbone-équivalent par an sur 2012-2021, ont-ils calculé. Elles ont atteint 55 milliards de tonnes pour la seule année 2021.
«C’est principalement lié aux émissions de méthane, de N2O (ndlr: protoxyde d’azote, lié aux engrais) et d’autres gaz à effet de serre», précise Pierre Friedlingstein, tandis que les émissions de CO2 liées à l’utilisation d’énergies fossiles sont pour leur part plus ou moins stables. Le réchauffement a aussi été causé par une réduction de particules polluantes dans l’air, qui ont un effet refroidissant. C’est un effet paradoxal et de court terme d’une moindre utilisation du charbon.