Nos cantons suisses ont désormais leurs propres super-héros!

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Dessins assistés par l’IA.Nos cantons ont désormais leurs propres super-héros!

Un artiste vaudois vient d’imaginer à quoi pourraient ressembler des super-héros suisses affiliés à des cantons bien spécifiques.

Christophe Pinol
par
Christophe Pinol
Une superhéroïne aux couleurs hop Schwytz!

Une superhéroïne aux couleurs hop Schwytz!

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

Et si chacun de nos cantons avait son propre super-héros, marqué par leurs différentes singularités? Si pour chacune de nos 26 régions, un Peter Parker local avait lui aussi été mordu par une araignée radioactive, ou avait construit sa propre armure, à l’instar de Tony Stark? Sauf qu’en bon Suisse, l’un tirerait plutôt sa force d’une bonne bouteille de chasselas, l’autre de la crème double de Gruyère… C’est précisément ce qu’a imaginé le Vaudois Alexandre Sadeghi, un architecte de formation qui travaille à l’EPFL au sein d’un labo explorant la façon dont les nouvelles technologies pourront bientôt nous aider à concevoir des bâtiments.

Il vient ainsi de publier 24 dessins de super-héros et super-héroïnes bien de chez nous (Nidwald et Obwald, ainsi que les deux Appenzell, sont regroupés sous la même illustration), tous concoctés à l’aide du fameux Midjourney, ce programme dopé à l’intelligence artificielle, capable de créer en moins d’une minute de splendides œuvres d’art sur la base d’un simple texte, et dont on a déjà parlé ici.

Alors saurez-vous retrouver les stéréotypes des différents cantons derrière chaque super-héros? On en fait le tour en compagnie de l’auteur. Attention, Marvel n’a qu’à bien se tenir!

Comment passe-t-on de l’architecture aux superhéros suisses?

J’ai toujours aimé dessiner et dans mon temps libre je développe différents projets, notamment autour de la bande dessinée. Il y a quelques années, je m’étais dit: «Tiens, ce serait marrant si quelqu’un dessinait des superhéros suisses dans le style comic book mais chacun tiré d’un canton spécifique. Je ne me voyais pourtant pas m’en charger: mon style ne s’y prête pas. Et puis en explorant récemment l’outil Midjourney pour mon travail, j’ai repensé à cette vieille idée… Je me suis lancé et j’ai rapidement eu des résultats assez chouettes. J’ai quasi fait les 26 personnages en un après-midi. Alors qu’à la main, un artiste aurait déjà passé quelques jours pour faire des recherches sous forme de croquis et ensuite des heures pour chacun des dessins.

Ces algorithmes d’intelligence artificielle sont assez controversés: accusés de bientôt mettre les artistes au chômage mais aussi de «voler» leur travail en s’inspirant de leur œuvre…

Je ne suis pas aussi catégorique… Ce n’est pas comme si le programme faisait un copier-coller. Il apprend vraiment en regardant des pixels, un peu comme moi si j’allais au Musée des Beaux-Arts à Lausanne et que je m’inspirais d’une peinture pour un dessin. Après, je ne crois pas que ce type de logiciel soit encore prêt à remplacer les artistes. J’y vois plutôt un outil permettant à l’intelligence artificielle et aux humains de travailler main dans la main afin de faire des recherches en gagnant du temps.

Pouvez-vous nous décrire les différentes étapes nécessaires à l’élaboration d’un de ces dessins avec Midjourney?

On commence par donner des informations sous forme de textes au programme. Des phrases du style: «Superhéros moderne dans un costume vert, blanc et jaune; qui tient une bouteille de vin blanc; émergeant du lac Léman; avec les Alpes en arrière-plan». Voilà en gros ce que j’ai donné pour le Vaudois. Et l’on peut compléter par des informations comme «Pose dynamique. Art conceptuel. Couché de soleil»…

Il vous faut donc dans un premier temps visualiser une idée et la décrire le plus précisément possible?

Ce n’est pas forcément nécessaire. On peut aussi se contenter d’indiquer 3 termes pour voir ce qu’il en sort. Mais plus on donne d’informations, mieux c’est pour concrétiser une idée précise. Après, en moins d’une minute, Midjourney sort 4 dessins différents. 4 versions inspirées du même texte. À partir de là, on peut soit s’en contenter, soit relancer le programme pour 4 nouvelles versions si l’on n’est pas satisfait, ou encore choisir l’une des versions et l’affiner en y ajoutant d’autres informations textuelles. Et ainsi de suite. Pour certains, je faisais jusqu’à 50 ou 60 itérations avant d’être satisfait.

Quels types de réactions avez-vous eus suite à la publication de ces planches notamment sur le réseau social Reddit?

Les gens ont assez vite repéré les clichés que j’avais indiqués au programme pour générer ces images et les réactions étaient plutôt positives. Ils ont bien compris qu’il s’agissait de caricatures. L’un m’avait même percé à jour en disant: «C’est probablement un Romand qui a conçu ces super-héros car les clichés sont plus pertinents sur cette partie de la Suisse, alors que les autres sont plus vagues». Et c’est très juste: je dois avouer avoir parfois été un peu démuni face à ma méconnaissance de certains cantons dès que je sortais des frontières romandes.

Que comptez-vous faire de ces dessins?

Je n’y ai pas trop pensé. Je voulais avant tout matérialiser cette vieille idée. Mais je n’ai pas de projet de film si c’est ce que vous voulez savoir (il rit). À moins que Marvel m’appelle pour les intégrer à leur univers… Ce qui me rendrait très heureux!

Mais justement, soyons fou: si Marvel devait vous appeler, avez-vous les droits de ces images? Vous appartiennent-elles?

À partir du moment où on paie l’abonnement Midjourney, on est propriétaire des images qu’il génère. Mais je crois que la société se garde le droit de pouvoir elle aussi les utiliser… Une sorte de droits partagés en quelque sorte. Mais c’est étrange parce que je ne me sens pas vraiment comme le créateur de ces images. Du moins pas complètement. J’ai un sentiment très différent de celles que je conçois de A à Z sur papier.

Vous voulez bien qu’on en passe ensemble quelques-uns en revue? Commençons par le Vaudois et sa bouteille de blanc… Pas terrible pour l’image de marque du canton, ça, non?

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

(Il rit). Ah, le coup de blanc, c’est important chez nous! Mais à l’origine, je le voulais aussi avec un saucisson vaudois à la main. Et ça, je n’ai pas réussi à le générer. Je suppose que c’est à cause des filtres du programme chargés d’éviter la création d’images sexuelles. Il détecte les descriptions potentiellement problématiques… Soit il ne les génère pas, soit il nous avertit d’un message disant qu’on ne peut pas aller dans cette direction. On peut même être banni si on insiste. Je voulais aussi placer le personnage en Lavaux mais le programme ne semble pas connaître la région…

Le Genevois en jette!

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

Là, tout part du drapeau. Je voulais qu’il ait l’aigle sur son costume et une grosse clef dans la main. Mais là encore, je n’y suis pas arrivé. Alors le super-héros a un peu pris les caractéristiques de l’aigle à travers son visage et son masque. Je trouvais ça chouette. Et puis les montres ressortent bien.

Pour Lucerne, c’est vous qui choisissez plutôt une femme qu’un homme?

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

On touche là à l’une des controverses du programme. Si vous lui indiquez par exemple «Doctor», en anglais, pour ne pas avoir à spécifier le genre, il va plutôt générer un homme. Et il agit comme ça, de manière très stéréotypée, pour beaucoup de professions. Typiquement, quand on indique «super-héros», la machine va en premier lieu faire appel à un homme bien musclé. Si l’on veut une femme, il faut le spécifier en indiquant «Super-héroïne». Donc oui, là c’est moi qui ai souhaité changer.

Et question silhouette, est-ce le programme qui génère de lui-même ces formes généreuses ou vous qui les spécifiez?

(Il rit) Non, je n’ai pas donné d’indication à ce niveau-là. Je crois que c’est directement lié aux comics américains où les hommes sont représentés selon un certain look, les femmes aussi.

Pour Fribourg, ce blanc, c’est la crème double de Gruyère?

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

Exact! C’est une de celles que j’ai générées le plus rapidement. J’ai eu cette idée de la faire surfer sur la crème et que ces cheveux évoquent les meringues. C’est sorti comme ça et je trouvais ça très dynamique.

Avec Berne, comment obtient-on cette créature anthropomorphe?

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

Déjà, il manque bizarrement la coupole au Palais fédéral. Mais comme pour Uri, j’ai indiqué que le personnage devait avoir les caractéristiques de l’animal du canton, ici l’ours. Alors l’algorithme a commencé par me sortir des humains avec des peaux de bête mais je l’ai finalement orienté vers une forme plus bestiale.

On termine avec Zurich?

Alexandre Sadeghi / Generated with Midjourney

Là, avec l’aéroport et le côté grande ville, centre du business, j’avais assez d’éléments pour nourrir l’algorithme. Et j’avoue que pour rire, j’ai également indiqué que le personnage «partait avec des mallettes pleines d’argent». Ça fait partie de ces clichés indécrottables de nos amis Zurichois. Alors j’aurais pu préciser au programme «avec de l’argent qui dépasse des valises», mais je trouvais plus subtil comme ça.

C’est finalement étonnant que vous n’ayez pas surfé sur des thèmes comme le chocolat ou le fromage…

- (Il marque un temps de réflexion)… C’est marrant parce que je n’y ai simplement pas pensé. Inconsciemment, ayant travaillé quelques années aux États-Unis et en Chine, j’en ai peut-être marre qu’on soit réduit à ces clichés et je me suis concentré sur des stéréotypes plus précis. Mais c’est vrai qu’à l’origine, pour Glaris, j’avais imaginé une sorte de Hulk en schabziger, leur fromage vert. Mais je n’arrivais pas à en tirer quelque chose de convainquant.

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