Le génie qui avait (presque) mémorisé tout Google Maps

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Exploit 2.0Le génie qui avait (presque) mémorisé tout Google Maps

Trevor Rainbolt, un Américain de 23 ans, est l’un des meilleurs joueurs au monde de GeoGuessr et ses vidéos sont devenues virales. On vous explique tout.

Christophe Pinol
par
Christophe Pinol

Pour peu que vous ayez un jour cherché à tuer le temps au bureau ou à la maison, vous avez peut-être déjà tenté votre chance sur la plateforme du jeu en ligne GeoGuessr.

Pour ceux qui ne connaissent pas, le principe est simple: vous êtes parachuté sur Google Street View et il s’agit d’identifier l’endroit où vous vous trouvez. Vous pouvez pivoter autour de vous et vous déplacer pour glaner des indices mais plus vous êtes rapide pour épingler votre position sur Google Maps, et plus celle-ci est précise, plus vous marquez de points. On peut y jouer à l’échelle mondiale ou, pour se simplifier la tâche, se limiter à certaines régions du monde: la Suisse, la France, les États-Unis, des endroits touristiques…

Une rapidité et une précision hallucinante

Mais il y a un joueur qui n’a certainement pas besoin de ce type de facilité… Un certain Trevor Rainbolt s’est en effet récemment taillé une folle réputation à travers les réseaux sociaux en filmant ses parties endiablées. Il faut préciser que cet Américain de 23 ans adopte un mode de jeu particulier où il s’agit d’identifier une simple image arrêtée. Et le jeune homme est d’une rapidité et d’une précision diabolique, parvenant en un instant à dénicher le bon emplacement, parfois à quelques dizaines de kilomètres près, au pire à quelques centaines. À tel point que pour corser les choses, celui-ci s’impose régulièrement des défis de taille: deux images à analyser en même temps, l’utilisation de photos pixélisées, d’autres se focalisant uniquement sur des bordures de routes ou des étendues terreuses…

Il pratique même le jeu à l’aveugle, les yeux bandés, en s’appuyant sur les descriptions d’une personne qui regarde le cliché en question. Dans l’un de ses derniers exploits, non seulement le surdoué fait apparaître l’illustration le temps d’une image seulement (soit 1/24e de seconde) mais celle-ci est en plus en noir et blanc. De la folie!

Ses vidéos publiées sur les réseaux sociaux sont toutes présentées sur le même mode: lui en gros plan dans la partie supérieure de l’image, fixant compulsivement son écran, et ce qui s’affiche sur celui-ci en dessous. On le voit zoomer et dézoomer frénétiquement, avant de valider sa position d’un coup ferme sur la touche Enter. Le tout avec la même musique en toile de fond, Les 4 saisons de Vivaldi – Hiver, 1er mouvement – recomposé par Max Richter.

19 millions de vues sur TikTok

Il cumule 1,2 million d’abonnés sur TikTok, plus de 400’000 sur Instagram, 190’000 autres followers sur sa chaîne YouTube et enfin 110’000 sur Twitter… Sur la plateforme favorite des jeunes, certaines de ses vidéos dépassent même les 19 millions de vues. Une vraie superstar des réseaux sociaux! Et pourtant, Trevor Rainbolt a commencé à s’intéresser au jeu il y a à peine plus d’un an, en pleine pandémie de Covid-19. Il expliquait au magazine «Vice» qu’à l’époque, la géographie n’était de loin pas son fort et qu’il aurait eu du mal à nommer une centaine de pays. A fortiori les situer sur une mappemonde. Mais il commence alors à regarder des vidéos d’autres joueurs, se prend au jeu et se met à pratiquer. Beaucoup. Parfois entre 5 et 8 heures par jour.

Celui qui revendique aujourd’hui plus de 10’000 parties jouées reconnaît pourtant ne pas arriver au niveau des meilleurs joueurs de la plateforme, comme le Néerlandais GeoStique, le Français Blinky ou le fameux GeoWizard, un anglais réputé pour tous les surpasser. «Si je peux reconnaître rapidement le Monténégro, par exemple, continuait l’Américain dans «Vice», eux en connaissent les villes et les régions. Ils ont mémorisé toutes les routes de Macédoine du Nord et ils étudient celles de Russie». D’autres apprennent le Bengali, le cyrillique, le grec ou encore la liste des 80 provinces des Philippines pour pouvoir se repérer plus facilement. Car des tournois officiels ont maintenant fait leur apparition. La première GeoGuessr Team World Cup a d’ailleurs eu lieu il y a tout juste quelques jours, le 22 octobre. Plus de 1,4 million de spectateurs ont suivi l’événement sur Twitch.

Trevor Rainbolt, lui, avoue ne poster que ses meilleurs résultats, qu’il n’est en réalité pas toujours aussi performant et que ses concurrents font preuve de plus de consistance. C’est néanmoins lui qui fait le buzz avec ses vidéos devenues virales, relançant par la même occasion la popularité de ce jeu inventé en 2013 par un certain Anton Wallén.

20 petabytes en mémoire? Pas tout à fait…

Alors on a beau le surnommer «l’homme qui a mémorisé Google Maps», il est loin d’avoir retenu les 20 petabytes d’images composant la plateforme. Non, pour réaliser de tels exploits, il explique avoir développé des méthodes bien spécifiques. Car à ce jeu, tout, dans l’image en question, est une indication: l’orientation du soleil, la présence de la mer, les voitures circulant à droite ou à gauche, l’architecture, la forme des poteaux électriques, le marquage au sol, la taille des rochers… Il est aussi capable d’estimer la période à laquelle les photos ont été prises en fonction de leur qualité, et d’ainsi réduire la liste des pays possibles, sachant que les voitures Google ne parcouraient pas encore toute la planète au début de la cartographie. Mais il précise surtout qu’à la longue, il a acquis une sorte de 6e sens: «Je serais bien incapable de vous décrire par exemple la composition d’un sol nigérien, expliquait-il dans le «New York Times», qui s’est lui aussi penché sur le phénomène, mais quand j’en vois un, après avoir joué tant de parties, je le reconnais presque instinctivement». Pas mal pour quelqu’un qui n’a en réalité jamais quitté l’Amérique du Nord.

Et à ceux qui trouveraient l’activité du jeune Américain bien futile, sachez que celui-ci a mis à contribution son «talent» pour aider son prochain. Il prête ainsi régulièrement main-forte à des internautes pour retrouver des sites précis, apparaissant souvent sur de vieilles photos de parents décédés dont les proches veulent retrouver l’emplacement exact, le plus souvent pour leur rendre hommage sur ce lieu précis ou pour reproduire à l’identique une prise de vue.

Certains clichés le poussent d’ailleurs à des analyses diablement poussées. Bref, si vous êtes un jour perdu à l’autre bout de la planète, vous savez dorénavant ce qu’il vous reste à faire: lui envoyer un petit message!

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