NigerAprès le coup d’État, la cacophonie diplomatique internationale
Certains souhaitent une action armée, d’autres privilégient la négociation, quelques-uns soutiennent les militaires: après le putsch du 26 juillet au Niger, les réactions partent dans tous les sens.
Derrière l’immédiate condamnation de façade de l’énième coup d’État au Sahel depuis 2020, les réactions des voisins du Niger, du continent africain tout entier et des puissances étrangères majeures témoignent d’une grande perplexité. Les chefs d’état-major des armées ouest-africaines sont réunis au Ghana, pour discuter d’une éventuelle intervention armée, évoquée depuis quelques jours par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Mais au sein de l’organisation, l’unanimité n’existe pas. L’un de ses membres, le Cap-Vert, s’y est ainsi ouvertement opposé. «Nous devons tous œuvrer pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger, mais en aucun cas par une intervention militaire ou un conflit armé en ce moment», a déclaré, la semaine passée, son président, José Maria Neves.
Conséquences «calamiteuses»?
Les régimes militaires du Mali et du Burkina, voisins du Niger et membres sous sanctions de la Cedeao, ont de leur côté clairement affiché leur solidarité avec Niamey. Solomon Dersso, directeur du groupe de recherche panafricain Amani Africa, craint, comme d’autres, qu’une intervention armée n’ait des «conséquences calamiteuses».
Les importantes sanctions économiques prises par le groupe régional et ses menaces militaires «ont donné à la junte le prétexte pour attiser la ferveur nationaliste des Nigériens, et surfer sur les sentiments anticolonialistes», écrivait-il en début de semaine. De fait, l’opération en question, dont les détails restent inconnus, semble improbable sans soutien de l’Union africaine. Or, celle-ci s’est réunie lundi et n’a pas communiqué depuis, signe des divergences en son sein sur le sujet.
De leur côté, les deux grandes puissances occidentales impliquées dans le dossier adoptent des positions distinctes. Les Américains, qui conservent 1100 soldats au Niger pour lutter contre les djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe État islamique, ménagent l’avenir. Sabrina Singh, une porte-parole du Département d’État, a souligné que le Niger était un «partenaire» et devait le rester. «Nous y avons investi dans des bases et nous nous sommes entraînés avec les forces locales. Nous voulons voir une résolution pacifique pour cette démocratie durement conquise.»
Les États-Unis ont pour principe de ne pas maintenir de coopération militaire avec des régimes venus au pouvoir par un coup d’État. «Mais la définition est flexible», souligne Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Group, un institut de sécurité basé à New York, rappelant que Washington avait notamment continué de travailler, en 2014 en Égypte, avec le régime contesté du général Abdel Fattah al-Sissi.
La France «en position d’appui» avec la Cedeao
Paris, pour sa part, n’accorde aucune légitimité au pouvoir en place. La France compte aujourd’hui 1500 soldats au Niger, avec lesquels elle continuait d’effectuer, jusqu’au coup d’État, des opérations antiterroristes avec l’armée locale. Elle avait exprimé, il y a une semaine, un soutien total à la Cedeao après la validation initiale de l’option militaire. «On est dans une position d’appui, de soutien à la Cedeao», a répété une source diplomatique française. «C’est à elle de prendre ses décisions, que ce soit pour les sanctions civiles, ou pour la menace d’intervention militaire.»
Richesses des sous-sols convoitées
Toutes ces divergences sont susceptibles de profiter à l’autre acteur majeur, la Russie. Le groupe paramilitaire Wagner, quoique en froid avec le Kremlin depuis sa brève rébellion, en juin dernier, et son exil forcé en Biélorussie, reste à l’affût.
Actif en Centrafrique, au Soudan ou encore au Mali, même si Bamako s’en défend, il lorgne sur le Burkina Faso et ne saurait laisser passer une occasion comme le Niger, dont la richesse des sous-sols en fait une proie naturelle. «Wagner est très transparent sur ses objectifs. Il ne va pas sermonner le régime sur les droits de l’homme. Il est là pour avoir un accès aux ressources et, en retour, apporte une sécurité politique», résume Colin Clarke.