Grenoble (F)À peine ouverts, les Restos du Cœur doivent déjà refuser du monde
Le centre de distribution de Gières, près de Grenoble, a dû refuser de l’aide alimentaire à 60 familles. En cause: des ressources insuffisantes et un nombre de demandeurs en hausse.
«C’est cruel et très difficile»: alors que s’ouvre la campagne d’hiver des Restos du Cœur, le centre de distribution de Gières, près de Grenoble, a dû refuser ses aides alimentaires à 60 familles sur près de 900, faute de ressources suffisantes.
«C’est vraiment un crève-cœur pour les bénévoles, notre mission n’est pas de dire non», souligne Jean-Paul Cézard, responsable départemental de l’association. La quantité de victuailles – fraîches ou en conserve – auxquelles les demandeurs d’aide ont droit est fixée selon un régime de points, mais celui-ci a été revu en forte baisse.
Pour la première fois de leur histoire, les Restos du Cœur ont baissé le niveau de revenu qui donne droit à l’aide alimentaire. Au niveau national, «entre 5 et 10% des personnes accueillies l’hiver dernier se voient refuser l’aide alimentaire cette année», selon leur président Patrice Douret.
Prise en tenaille entre la forte augmentation du nombre de demandeurs d’aide et la hausse des prix, l’antenne de Gières s’est résolue à refuser du monde et à réduire sensiblement les rations des bénéficiaires restants.
Un père de quatre enfants sans emploi s’est vu refuser de l’aide
Patricia Borel et Françoise Calvet, toutes deux bénévoles, sont chargées ce mardi des inscriptions après vérification des ressources des requérants. Sur une dizaine de dossiers, elles ont dû refuser celui d’un père de quatre enfants sans emploi, un moment «difficile» malgré la formation qu’elles ont reçue.
«On lui a expliqué pourquoi, il était un peu déçu. Il ne dépassait pas de beaucoup (le barème) mais le logiciel nous bloque», expliquent-elles, indiquant l’avoir «redirigé vers d’autres associations pour ne pas le laisser repartir comme ça, dépité».
Pour ceux qui ont encore accès à l’aide, «le gros changement, c’est le lait», jadis distribué en abondance, notamment aux familles avec jeunes enfants, et qui n’est désormais plus attribué qu’avec parcimonie, une évolution assez «symbolique», note Jean-Louis Sounie, l’un des responsables du centre.
«C’est vraiment grâce à eux que je peux manger»
Imene Touzouti sent elle aussi la différence: «On a moins de produits: aujourd’hui au lieu d’avoir neuf produits, j’en ai sept et je ne suis pas sûre que ça va me tenir toute une semaine», regrette cette étudiante algérienne «un peu en situation de précarité», qui dit néanmoins «comprendre» ces restrictions.
«C’est un peu de stress», relève de son côté Nazareth Serrano, une Vénézuélienne de 35 ans actuellement sans papiers. «Je ne peux pas travailler, c’est vraiment grâce à eux que je peux manger», souligne-t-elle.
Mais même ainsi, ces mesures ne feront au mieux que «contenir la hausse» du nombre de bénéficiaires, en pleine envolée depuis un an en Isère (+35% d’un été sur l’autre et encore davantage dans l’agglomération grenobloise), avec notamment de plus en plus d’étudiants et de migrants, estiment les responsables de l’association.