Épinal (F)«Je dois leur en vouloir car mon fils n’est plus là, mais ça reste des gamins»
Séverine, la mère de Lucas, 13 ans, poussé au suicide par des camarades, a appelé lundi à ne pas céder à la haine envers les harceleurs de son fils qui seront jugés au printemps.
«Pour moi, c’est le harcèlement qui a été l’élément déclencheur.» Séverine, la mère du jeune Lucas, dont le suicide début janvier a provoqué une onde d’émotion en France, s’est dit convaincue lundi que la mort de son fils avait été provoquée par les brimades de ses camarades. Malgré sa douleur, elle a toutefois tendu la main aux quatre adolescents qui seront jugés au printemps à Épinal, dans l’est de la France, pour avoir harcelé son fils de 13 ans en raison de son homosexualité supposée.
Lucas, 13 ans, était scolarisé dans un collège de Golbey, dans les Vosges, et s’est donné la mort le 7 janvier. Quatre collégiens, également âgés de 13 ans, seront jugés au printemps pour l’avoir harcelé et poussé au suicide, avait annoncé vendredi, le procureur de la République d’Épinal, Frédéric Nahon. Celui-ci a aussi annoncé l’ouverture d’une «enquête incidente contre X pour non-dénonciation de mauvais traitements sur mineurs».
Jugés à huis clos
«Présumés innocents, inconnus de la justice, (ils) feront l’objet d’une évaluation par la protection judiciaire de la jeunesse avant leur jugement», a souligné le procureur. Ils seront jugés «au printemps» et «à huis clos» devant un juge des enfants, a précisé Me Catherine Faivre, l’avocate de Séverine, lors d’une conférence de presse. Elle a prévenu que sa cliente, soumise à une intense «pression» médiatique, ne s’exprimerait plus publiquement jusqu’à l’audience.
Les peines encourues en pareils cas sont normalement de dix ans de prison et 150’000 euros d’amende, mais les quatre auteurs bénéficient de «l’excuse de minorité»: les peines encourues sont ainsi divisées par deux, a précisé Me Faivre.
«Le corps enseignant aurait pu, aurait dû faire plus»
«Je suis désolée» de n’avoir «pas pu (…) sauver (Lucas). Personne n’a pu», a confié Séverine, 35 ans, face à un mur de caméras et de micros. «Des choses (…) n’ont pas été faites, le corps enseignant aurait pu», aurait «dû» faire plus, a-t-elle ajouté. Elle aurait ainsi souhaité que des mesures «disciplinaires» soient prises «bien plus tôt» contre les «harceleurs» de son fils.
Séverine a toutefois appelé à ne pas s’en prendre à eux, estimant que cela reviendrait «à nourrir la haine (…) La justice doit faire son travail». «Ça reste des gamins», a-t-elle souligné. Mais «je suis quand même obligée de leur en vouloir, mon fils n’est plus là» parce qu’ils «ont été méchants avec lui», a-t-elle ajouté, la voix étranglée par l’émotion.
Un pas en avant pour faire réfléchir tout le monde
Elle leur a malgré tout tendu la main, souhaitant que leur comparution devant la justice les fasse «réfléchir» et qu’ils «ne recommencent plus». Elle a ainsi expliqué vouloir à l’avenir intervenir dans des établissements scolaires pour sensibiliser contre le harcèlement.
«Quand on ira faire des interventions, qu’ils (ndlr: les quatre adolescents) viennent avec nous, ça pourrait être bien qu’ils interviennent avec nous», pour expliquer les conséquences de ce «qu’ils ont fait», a-t-elle encore estimé. «Si je pouvais aider les autres, avec leur ressenti à eux, ça serait une victoire de plus, un pas en avant pour faire réfléchir tout le monde», a ajouté Séverine.
Une marche blanche en hommage à Lucas se tiendra dimanche à Épinal.