FootballAnalyse: Lucerne, un plan pour se sauver
Depuis l’arrivée de Mario Frick en début d’année, l’équipe de Suisse centrale est beaucoup plus intense. À cinq jours du match presque décisif pour le maintien, Lausanne est prévenu.
![Valentin Schnorhk](https://media.lematin.ch/4/image/2024/11/12/874fbfd4-e16f-4b57-abe2-b3b12354b93b.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C662%2C2662%2C1497&fp-x=0.4838467317806161&fp-y=0.25125&crop=focalpoint&s=9d5df0eba056fcb256b1724824272a4a)
![Mario Frick a transformé Lucerne depuis son arrivée. Même s’il conserve quelques lacunes. Mario Frick a transformé Lucerne depuis son arrivée. Même s’il conserve quelques lacunes.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/f753a170-06a7-4d80-bfee-af3c4db0df15.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.34814453125&fp-y=0.17362637362637362&s=d314afc19d69b8fc4c4b00aaf31eee07)
Mario Frick a transformé Lucerne depuis son arrivée. Même s’il conserve quelques lacunes.
freshfocusTous les matches n’ont pas la même valeur. Celui entre le Lausanne-Sport et Lucerne dimanche à la Tuilière aura un indéniable caractère décisif pour le maintien en Super League, les deux formations n’étant séparées que de trois points. Mais depuis le début d’année, dans la qualité des prestations, Lucerne n’a plus grand-chose du candidat à la relégation.
Sous l’impulsion de Mario Frick, nommé à la trêve, le club de Suisse centrale développe un football autrement plus actif qu’avant Noël, sous Fabio Celestini puis Sandro Chieffo. S’il n’a gagné qu’un seul de ses quatre matches en 2022 (contre Sion la semaine dernière), il a toujours donné le change à son adversaire. Servette, complètement dépassé en première période ce week-end, peut en témoigner. Lausanne doit donc s’attendre à recevoir un adversaire prompt à lui opposer une grosse intensité dimanche. Décryptage.
Un losange au service de l’intensité
Il y a des ajustements qui ne trompent pas. Habitué au 4-4-2 ou au 4-2-3-1 en 2021, Lucerne a changé de système pour cette nouvelle année. Mario Frick a débarqué à la Swissporarena avec l’idée d’un milieu en losange, derrière deux attaquants. Une configuration au service d’une animation et de principes bien déterminés: son Lucerne sera vertical et capable de déployer une grosse intensité.
La structure au service des principes. Le losange implique une abondance de joueurs à l’intérieur, échelonnés sur plusieurs hauteurs de jeu. Avec ballon, cela appelle du jeu vers l’avant, avec la recherche de ligne de passes diagonales. Et puis, sans ballon, la densité de joueurs dans l’axe suppose une activité marquée à la perte de balle et au deuxième ballon, notamment en misant sur le marquage préventif. Sur le papier (mais aussi en pratique), les conditions sont ainsi réunies pour passer le plus possible de temps dans la moitié de terrain adverse. Des idées qui rappellent forcément celles mises en place par le Saint-Gall de Zeidler.
Concrètement, le Lucerne de ce début d’année est préoccupé par mettre sous pression la défense adverse. Avec plusieurs moyens de le faire. Par exemple, en allongeant vers un des deux attaquants (Abubakar, Sorgic, Cumic ou désormais Kvasina) et en cherchant à accompagner ces longues passes par des courses et de la présence à la retombée. Mais lorsqu’il peut progresser par des passes entre les lignes, il ne s’en prive pas non plus. Cela ne lui garantit pas toujours de se créer des occasions immédiates, mais de «vivre» le plus longtemps possible dans les quarante derniers mètres.
Les chiffres peuvent aussi témoigner de ce changement de cap sur les quatre premières rencontres de Super League de l’année: une augmentation de 20% de duels disputés à chaque match, 33 entrées dans la surface par match en moyenne (contre 25 avant Noël) et un PPDA (le nombre de passes accordées à l’adversaire dans la moitié de terrain adverse entre chaque action défensive, une façon de mesurer l’intensité du pressing) qui a baissé de 11 à 8. De quoi raconter un football qui se veut proactif.
Des milieux qui se dédoublent
La patte Mario Frick ne s‘est pas arrêtée à l’approche globale. Le Liechtensteinois a aussi fait des choix. Avec audace. Comme en donnant une partie des clés du jeu à Ardon Jashari, jusqu’ici capitaine de la réserve lucernoise. À 19 ans, le jeune joueur a été placé devant la défense, où il peut se permettre de mettre en valeur son pied gauche et sa volonté de faire avancer le jeu. Tant dans le jeu court que long, que dans sa capacité à orienter ou à casser des lignes et à masquer ses passes, Jashari a très vite pris une dimension majeure dans le jeu de Lucerne. Au point que dimanche, Servette a organisé son comportement défensif en mettant toujours un joueur sur lui, pour empêcher qu’il soit servi.
En phase offensive, Samuele Campo, aligné en soutien des attaquants lors des deux derniers matches, a un rôle similaire. Autrement dit, Lucerne compte sur deux «rampes de lancement». L’ancien Lausannois et Bâlois a ainsi tendance à souvent décrocher bas, où il peut ensuite avoir le jeu face à lui. Et le faire avancer, autant dans un registre court que long. C’est dans le comportement sans ballon qu’il assume une fonction distincte: celui d’aller presser le milieu défensif adverse.
Si Jashari et Campo évoluent un peu plus bas lorsqu’il s’agit de dérouler les actions, les deux autres milieux (Marvin Schulz et Filip Ugrinic, lors des deux derniers matches) ont beaucoup plus d’activité. Notamment entre les lignes, où ils sont recherchés par leurs partenaires (également les défenseurs centraux Burch et Simani), mais également avec des courses vers la profondeur. Il n’est en effet pas rare de les voir effectuer des appels dans les demi-espaces (la zone entre l’axe et l’aile), où il devient compliqué pour les défenses adverses de les contrôler.
Ces deux milieux légèrement excentrés apparaissent donc comme les joueurs les plus actifs de ce «nouveau» FC Lucerne. Leur capacité à reproduire des courses, à réagir à chaque perte de balle et à suivre le pressing des attaquants rend intense la vie dans le cœur du jeu. Autant pour leurs partenaires que pour leurs adversaires. Une recette qui permettra peut-être d’obtenir un maintien confortable. À condition d’être plus productif: Lucerne se crée moins d’un Expected Goal par match en 2022. Surtout, il «prend» des tirs loin d’être efficaces: avec une moyenne de 0,07 xG par tir, peu de chances de trouver la faille.
Une passivité défensive encore visible
Même si Lucerne n’est pas encore sauvé. Loin de là. Bien sûr, l’impression laissée est convaincante. Il y a là une équipe qui a décidé d’agir plutôt que de subir. Sans doute à raison. Parce qu’elle ne peut pas se reposer sur une assise défensive intraitable. Les xG sont là aussi un bon moyen de la mesurer: sur ces quatre premières journées, Lucerne a concédé 1,74xG par rencontre en moyenne. Pire encore, chacun des tirs accordés à l’adversaire a en moyenne 15% de chance de se terminer en but. Peu rassurant.
Une latitude qui se remarque. Les interventions de la défense lucernoise manquent souvent de netteté. À l’image du but encaissé contre Servette dimanche: des deuxièmes ballons mal gérés, un danger qui n’est jamais écarté et des attaquants adverses qui bénéficient de situations particulièrement favorables. Autrement dit, ce qui fait la force de ce FC Lucerne «nouvelle version» (l’intensité, l’agressivité dans les duels, la proactivité) est surtout propre à la zone 3 plus qu’à la zone 1. On peut alors comprendre l’intention d’amener le jeu chez l’adversaire: on appelle ça l’instinct de protection.