Port de La Neuveville: un procès six ans après une triple électrocution

Six ans après une triple électrocution survenue dans le port de La Neuveville (BE), la justice bernoise tentera d’expliquer le drame du 15 mai 2017. Mardi prochain, un procès s’ouvrira devant le Tribunal régional Jura bernois – Seeland, à Moutier. Il s’agira pour la juge unique de fournir des explications techniques, mais aussi d’établir des responsabilités.

Une défectuosité dans l’alimentation électrique du port a tué deux femmes et un chien. Sans doute la chienne Makani a-t-elle basculé dans l’eau après avoir touché la balustrade électrifiée en remuant la queue. Claire Schläfli a sauté dans l’eau pour lui porter secours, puis une résidente australienne a été électrocutée à son tour en voulant les aider.

Conductrice de chien militaire, membre de Redog Suisse, Claire Schläfli faisait corps avec Makani. Sur leur tombe, une épitaphe indique qu’«elles voulaient sauver des vies» et que «la négligence des hommes a pris la leur». L’eau du port était électrisée par un ponton métallique sous tension, un défaut mortel, mais invisible.

La faute à qui? Aux employés qui ont exécuté les ordres ou aux politiciens qui les ont donnés pour satisfaire des navigateurs désireux de pouvoir recharger les batteries sur leurs embarcations? Pour quelques milliers de francs, un câble électrique a été tiré dans le tube inférieur d’une balustrade, à la demande d’un plaisancier qui venait d’acquérir un bateau électrique. Avec l’usure, ce câble s’est dénudé.

À la station transformatrice, un disjoncteur a été supprimé, ce qui démontre que le drame a été causé par une succession d’erreurs. Des failles ont été relevées dans l’installation, mais aussi dans les contrôles. L’installation électrique et son extension réalisée un an avant le drame ne répondaient pas aux normes, mais jusqu’où un contrôleur aurait dû remonter pour vérifier leur conformité?

Si la procédure a duré six ans, c’est parce que trois prévenus ont contesté le rapport d’un expert indépendant jusqu’au Tribunal fédéral. Ils lui reprochaient une partialité et réclamaient sa récusation, ainsi qu’une contre-expertise. Ce recours a été rejeté.

Huit inculpés sont accusés d’homicide par négligence, dont trois répondront aussi de violation des règles de l’art de construire. Ces prévenus risquent jusqu’à deux ans de prison.

Il s’agira pour la juge pénale de déterminer quelles lacunes se sont révélées fatales. Au terme d’une enquête administrative, le Conseil municipal de La Neuveville a déjà suspendu un employé communal.

Tous les jours, les parents de Claire Schläfli se rendent ensemble ou à tour de rôle sur le quai où leur fille de 24 ans a péri dans une eau électrifiée par un câble dénudé. Les photos, les fleurs et les bougies sont renouvelées.

Hier, les deux pêcheurs à la ligne qui taquinaient la perche le long du quai Möckli savaient qu’un drame s’y était déroulé, mais six ans après, ils en ignoraient les contours. Le procès qui se déroulera loin du lac de Bienne, à Moutier, fournira peut-être des réponses techniques qui aideront à faire le deuil. Et à éviter pareil accident.