Lié à un armateur genevois, le bras droit de Macron dans la tourmente

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JusticeLié à un armateur genevois, le bras droit de Macron dans la tourmente

Secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler aurait pris part à des décisions concernant la société MSC Croisières, avec laquelle il a des liens familiaux. Il a été mis en examen pour «prise illégale d’intérêts»

Alexis Kohler occupe le poste de secrétaire général de la présidence depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Alexis Kohler occupe le poste de secrétaire général de la présidence depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

AFP

Mis en examen en septembre pour prise illégale d’intérêts, le bras droit du président français Emmanuel Macron est soupçonné d’avoir «participé» plusieurs années durant à des décisions concernant l’armateur italo-suisse MSC Croisières, basé à Genève, malgré des liens familiaux avec ses dirigeants.

Dans cette enquête riche de plus de cinquante auditions et dix perquisitions, Alexis Kohler, actuel secrétaire général de la présidence et premier collaborateur d’Emmanuel Macron, a été interrogé les 22 et 23 septembre. Dans le détail, les juges lui reprochent d’avoir «participé» de 2009 à 2012, comme administrateur, à cinq délibérations des instances de STX France (aujourd’hui Chantiers de l’Atlantique) et trois du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), liés à MSC.

Puis entre 2012 et 2016, lorsqu’il était haut fonctionnaire au ministère de l’Économie, d’avoir notamment «persisté (…) à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques ayant trait» à des dossiers impliquant MSC. Une potentielle infraction, car la mère d’Alexis Kohler est cousine de Rafaëla Aponte, épouse du fondateur Gianluigi Aponte. Un lien familial «simple» mais au «5e degré», «éloigné», pour l’intéressé.

Contexte délicat

Ces informations surviennent dans un contexte délicat pour Emmanuel Macron, déjà fragilisé par une configuration politique complexe à l’Assemblée nationale où son mouvement n’a qu’une majorité relative, et l’annonce jeudi de l’ouverture par le parquet français de deux enquêtes sur l’intervention de cabinets de conseil dans les campagnes électorales du chef de l’État en 2017 et 2022.

Devant les magistrats, Alexis Kohler a indiqué d’emblée n’avoir «jamais considéré être en situation de conflit d’intérêts». Mais paradoxalement, il a martelé avoir tout fait, «dès novembre 2008», pour se trouver loin du dossier MSC, selon des éléments de son interrogatoire dont l’AFP a eu connaissance mardi.

Kohler a expliqué n’avoir participé à aucune décision concernant ce client phare de STX, avoir averti de ses liens familiaux et demandé à quitter son mandat d’administrateur de STX, ce que sa hiérarchie aurait refusé, et avoir exprimé la position de l’État plutôt que la sienne en conseil d’administration.

En face, les magistrats lui ont quant à eux rappelé la «jurisprudence constante» et «très large» concernant la prise illégale d’intérêts. «Ça va très très loin», expliquait récemment un magistrat financier à l’AFP. «La participation, serait-elle exclusive de tout vote, à une délibération sur une affaire dans laquelle on a un intérêt» peut suffire, ont noté les juges.

Un homme clé

Cette affaire est née après la publication en 2018 de plusieurs articles du média en ligne Mediapart. Le parquet national financier avait ouvert une enquête préliminaire, qu’il avait classée sans suite en août 2019, indiquant que l’analyse des éléments recueillis «ne (permettait) pas de caractériser les infractions initialement suspectées». Mais l’association anticorruption Anticor avait ensuite obtenu la relance des investigations en juin 2020 grâce à une plainte avec constitution de partie civile, qui permet la plupart du temps la désignation d’un juge d’instruction.

Homme extrêmement discret, se tenant loin des médias, Alexis Kohler occupe le poste stratégique de secrétaire général de la présidence depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, en 2017. Installé dans un bureau voisin du président, il gère au quotidien les situations d’urgence, les gros dossiers économiques et sociaux, mais aussi politiques, ce qui fait de lui un homme clé de l’exécutif français.

Après sa mise en examen en septembre, son avocat avait que Kohler «contestait (…) tout délit» et entendait «démontrer son innocence» concernant les accusations de prise illégale d’intérêts, passible de cinq ans de prison et 500 000 euros d’amende. Emmanuel Macron a lui jugé «tout à fait légitime» son maintien à l’Élysée.

Sollicités par l’AFP, l’avocat n’a pas souhaité réagir mardi et l’Élysée a affirmé «ne pas pouvoir commenter une enquête en cours».

(AFP)

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