FrancePour un incendie volontaire, elle écope de 25 ans de prison
Jeudi, la justice française a condamné une femme qui avait bouté le feu à un bâtiment d’habitation en 2019, faisant dix morts.
Essia B., 44 ans, a été condamnée jeudi à 25 ans de prison pour avoir provoqué un incendie qui a causé la mort de dix personnes, rue Erlanger, à Paris (France), en février 2019. «Une peine d’élimination sociale», selon la défense, qui envisage de faire appel. La Cour d’assises de Paris a reconnu l’accusée coupable de «destruction d’un bien appartenant à autrui, par l’effet d’un incendie, ayant entraîné la mort», crime pour lequel elle encourait la réclusion à perpétuité.
Essia B., qui souffre d’addictions et d’importants troubles psychiatriques, a reconnu avoir mis le feu au 2e étage de son immeuble, la nuit du 4 au 5 février 2019, après un différend avec un voisin. Les fumées toxiques et les flammes avaient envahi en neuf minutes les huit étages de ce bâtiment ancien, difficile d’accès, piégeant de nombreux habitants dans leur appartement.
«Extrême gravité des faits»
Au terme de plus de six heures de délibéré, le président de la Cour Franck Zientara a justifié cette peine par «l’extrême gravité des faits», évoquant des actes «pas déconnectés de la réalité», un départ de feu «particulièrement efficace» constitué de papiers froissés, d’un tissu et de planches de bois, motivé par «la colère et le ressentiment».
Dans la lecture des motivations, très sévères, il a aussi estimé que, contrairement à ses affirmations, Essia B. avait «conscience des conséquences prévisibles d’un tel acte». La peine est assortie d’une période de sûreté des deux tiers, soit 16 ans et huit mois, et d’un suivi socio-judiciaire pendant 15 ans avec «injonction de soins».
«C’est une peine extrêmement lourde, qui ne laisse aucun espoir à notre cliente», a réagi Sébastien Schapira, l’un des avocats d’Essia B., qui a dix jours pour faire appel. «Se pose la question de savoir si, dans le cadre d’un appel, on pourra enfin tenter de trouver un équilibre entre la protection de la société et (…) les intérêts de l’accusée, qui reste un être humain qui a le droit aussi à une justice», a-t-il ajouté.
Personnalité «borderline»
Claire M., habitante du 8e étage secourue par les pompiers après une quarantaine de minutes d’attente, a, elle, salué «une peine lourde, longue», jugeant «particulièrement importantes» la peine de sûreté et l’injonction de soins, «pour qu’on soit en sécurité». Les jurés ont estimé que le discernement d’Essia B., atteinte d’un trouble de la personnalité «borderline», était bien «altéré» au moment des faits, comme l’ont conclu deux expertises psychiatriques.
Mais ils ont «écarté le bénéfice de la réduction de peine» permis dans ce cas par le Code pénal. «Les faits qui vous sont reprochés doivent être raccrochés à votre intolérance à la frustration, à votre impulsivité et à l’effet de toxiques que vous aviez consommés, mais nullement à une pathologie quelconque», a justifié le président.
«Vous n’avez jamais réellement manifesté votre volonté de combattre ces troubles (…) et vous n’aviez pas pris votre traitement, vous aviez consommé de l’alcool et des drogues avant les faits, ce qui était particulièrement contre-indiqué», a-t-il ajouté.
«Je veux juste dire pardon pour tout»
Jeudi matin, l’accusée avait indiqué: «Je veux juste dire pardon pour tout», avant de fondre en larmes. En détention provisoire depuis quatre ans, elle a effectué de nombreux séjours en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), structure dédiée aux détenus nécessitant des soins psychiatriques.
Au cours des trois semaines d’audience, elle s’est exprimée clairement, laissant parfois poindre son énervement face aux questions de la Cour. Elle a expliqué prendre un «lourd traitement», qui l’empêchait parfois de suivre attentivement les débats.
Mais certaines parties civiles ont regretté une reconnaissance des faits «a minima», estimant qu’elle avait cherché à «se déresponsabiliser», en expliquant qu’elle n’était «pas dans son état normal» ou en attribuant l’ampleur du bilan au défaut de sécurité dans l’immeuble et à l’inaction des voisins témoins du départ de feu.