Villars – Bretaye (VD)Train fauché par une avalanche: «Il manquait une protection»
Pour les experts en sécurité, le secteur de la station vaudoise n’était pas complètement assuré par la forêt. À ce stade, l’unique coupable est un renard.
- par
- Evelyne Emeri
Après la lionne soi-disant aperçue à Epalinges (VD), le renard – mascotte de la station de Villars (VD) – qui déclenche une avalanche. Risible dans un premier temps et pourtant cette fois-ci crédible. Et même authentifié. Le Service suisse d’enquête de sécurité (SESE) a rendu son rapport. Le bureau spécialisé est catégorique: ce sont bien les quatre jolies petites pattes de cet animal et son cheminement transversal en contrebas du Col des Bouquetins non loin de Bretaye qui sont à l’origine de ce qui aurait pu virer au cauchemar le 2 février dernier vers 15h.
Pas de dégâts humains
Le passage unique du renard a fait glisser la masse neigeuse – environ 30 cm de neige fraîche – qui n’avait pas encore adhéré à la couche inférieure. La coulée a coupé les voies et fait basculer la rame arrière vide d’un train BVB (Bex-Villars-Bretaye) avant de s’arrêter sur la piste de ski «La Populaire» en aval de la ligne ferroviaire. Pas de blessés, un conducteur ébranlé mais indemne et aucun skieur emporté ou englouti. Compte tenu de la pente dans la partie supérieure là où le manteau blanc s’est précisément détaché environ 80 m en amont des rails, une avalanche spontanée aurait tout aussi bien pu avoir lieu.
Forêt protectrice…
Jamais aucun épisode avalancheux ne s’était déroulé à cet endroit-là et n’avait coupé la ligne du petit train de la station. Cet événement a surpris tous les acteurs du domaine skiable et de la montagne. Jusqu’ici, les arbres avaient été jugés suffisamment protecteurs pour éviter la pose de paravalanches. Ainsi que l’indiquent les conclusions du SESE, la zone n’était pas classifiée au cadastre cantonal comme une zone dangereuse ou à risque mais comme une forêt protectrice. Le terrain présente pourtant une pente de 69% dans sa partie supérieure, soit un angle d’environ 34 degrés.
… mais clairsemée
«À l’endroit de la coulée, la forêt de sapins est plus clairsemée, il y a surtout des vernes ou rien, elle ne pouvait dès lors pas remplir et assurer complètement sa fonction protectrice. Il manquait une protection», affirme le signataire du rapport et expert du SESE, Philippe Thuerler. Autrement dit, la carte du cadastre a probablement induit en erreur. «De ce fait, aucune mesure spécifique complémentaire d’atténuation du risque ne figurait dans le système de management de la sécurité du gestionnaire d’infrastructure», précise également le rapport du SESE. De même, il souligne que le secteur «n’a pas fait l’objet de coupes ces dernières années».
Manquements et paravalanches
À la question d’un éventuel manquement, le spécialiste Philippe Thuerler ne s’estime pas compétent pour y répondre: «Nous sommes mandatés pour établir un rapport de sécurité et non les responsabilités. C’est la justice qui s’en occupera. En l’occurrence, il n’y a pas eu de dégâts humains». Le SESE a-t-il émis des consignes de sécurité comme il le fait régulièrement après pareille alerte? «Il y avait certes un déficit, mais nous n’avons pas jugé nécessaire de faire des recommandations. Des mesures vont être prises prochainement avec la pose de paravalanches inexistants dans cette pente jusqu’à maintenant. Nous avons dès lors clos notre enquête.»
Quid des responsabilités?
Également contacté, le procureur en charge du volet pénal, Julien Aubry, nous confirme que les investigations sont toujours en cours et qu’il attend les conclusions des spécialistes montagne de la gendarmerie vaudoise: «Mon instruction a pour but de définir les circonstances de cet accident. À ce stade, j’ai ouvert une enquête au sens des articles 237 (ndlr. entraver la circulation publique) et 238 (ndlr. entrave au service des chemins de fer) du Code pénal». En clair, si d’éventuelles négligences devaient se dégager, les personnes poursuivies pourraient encourir, dans l’absolu, des sanctions allant d’une peine privative de liberté de trois ans au plus à une peine pécuniaire.