Roches-de-Moron (NE) - Le mari jaloux était armé d’un grand couteau de cuisine

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Roches-de-Moron (NE)Le mari jaloux était armé d’un grand couteau de cuisine

L’homme qui a enlevé sa femme et précipité sa voiture dans le vide a passé deux nuits en garde à vue, trois jours avant son acte délibéré.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Dans une pente escarpée et boisée, sous des rochers, une voiture est appuyée contre un tronc. Ses deux occupants, gravement blessés, ont été pris en charge au cours d’une périlleuse opération de secours qui a duré des heures, mardi dernier, aux Roches-de-Moron.

Madame a été évacuée par hélicoptère, Monsieur par ambulance. Le conducteur est un mari jaloux qui s’est armé d’un grand couteau de cuisine qui lui a servi à taillader la main gauche de son fils qui s’interposait, avant d’enlever sa femme dont il était séparé, pour finalement jeter sa voiture dans un précipice.

Dans la rue

L’enlèvement ne s’est pas déroulé dans l’appartement de la rue de la Serre, à la Chaux-de-Fonds, où l’épouse avait trouvé refuge en emmenant son fils cadet. Le mari de 54 ans a attendu que son fils aîné de 24 ans et sa femme de 52 ans sortent de l’immeuble au petit matin. Dans la rue, il est passé à l’attaque à 5 h 50. Son fils a beaucoup saigné. En dépit d’une opération de microchirurgie menée au CHUV de Lausanne, il gardera peut-être des séquelles de l’agression commise par son père.

Le mari suicidaire voulait emporter son épouse dans la mort mais ils survivront tous les deux. L’épouse a été projetée hors du véhicule. Elle est aux soins intensifs de l’Hôpital de l’Ile à Berne et n’a pas pu être interrogée, pas plus que son mari.

Un certain nombre

«Leur état est préoccupant mais leur pronostic vital ne semble pas engagé», indique l’officier de service en charge de cette affaire, Simon Baechler. Ce policier se garde bien de parler de miracle, tant que les deux occupants du véhicule sont hospitalisés avec «un certains nombre de fractures». Mais, dit-il, «quand on voit la falaise… D’avoir survécu avec le froid…».

La voiture a été repérée à 8 h 50 grâce à la géolocalisation d’un téléphone portable, trois heures après l’enlèvement. «Il avait laissé un mot à son domicile laissant entendre qu’il souhaitait mettre fin à ses jours mais sans mentionner son épouse», a indiqué le procureur Nicolas Aubert, en parlant du mari. Les enquêteurs parlent d’un «terrible événement».

Pierre Aubert, procureur général, Simon Baechler, officier de service en charge de cette affaire, Sami Hafsi, chef de la police judiciaire et Georges-André Lozouet, porte-parole de la police cantonale neuchâteloise ont tenu un point presse jeudi matin.

Pierre Aubert, procureur général, Simon Baechler, officier de service en charge de cette affaire, Sami Hafsi, chef de la police judiciaire et Georges-André Lozouet, porte-parole de la police cantonale neuchâteloise ont tenu un point presse jeudi matin.

lematin.ch/Vincent Donzé

Le jeudi précédent, en fin de soirée, une altercation au sein de ce couple de nationalité portugaise a nécessité une intervention policière, à La Chaux-de-Fonds. Le père était ivre et «en état d’excitation», selon la police. Le procureur Pierre Aubert relève qu’au sein du couple, «les relations étaient tendues depuis vingt ans, avec des menaces constantes» de tous ordres, jamais exécutées.

Leur relation était rythmée par des violences sexuelles, «entre passivité résignée et négation affirmée», selon les termes du procureur. Vendredi dernier, alors qu’il était maintenu en garde à vue, le mari s’est vu signifier des mesures d’éloignement jugées suffisantes. Réfugiée chez son fils aîné avec son fils cadet, l’épouse se sentait protégée par ses enfants majeurs, face à une tension accrue au sein du couple.

Rarement maintenue

Le mari n’avait jamais eu affaire à la police, sauf pour une banale amende. Pour les enquêteurs, «les faits anciens sont difficiles à établir», mais dans tous les cas, une détention «peut rarement être maintenue». Et, si elle l’était, elle est rarement source d’apaisement.

Le mari jaloux, sans preuve, a été libéré samedi matin. Il n’a pas entièrement respecté les mesures d’éloignement, mais la police n’en a pas été informée. Pourquoi ne pas lui avoir posé un bracelet? «Ce n’est pas un contrôle en continu. Un bracelet sert de vérification a posteriori pour vérifier les sorties d’un périmètre», répond le procureur Pierre Aubert. Façon de dire qu’un bracelet n’aurait rien empêché, mardi matin.

Bracelet préventif

Le bracelet préventif sera-t-il opérationnel en 2024? Peut-être. En attendant, il procure «un faux sentiment de sécurité», selon le procureur: une intervention prend toujours entre 10 et 15 minutes. Et chaque semaine dans le canton de Neuchâtel, «la police intervient entre cinq et sept fois pour des violences conjugales», précise Sami Hafsi, chef de la police judiciaire.

«Déterminer les cas à risque, c’est une gageure», reprend Sami Hafsi. Imprévisible, le drame de mardi dernier déroule pourtant «des faits inouïs» qualifiés de «hors schéma». «À la limite de notre métier», conclut un policier.

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