Commentaire: L’électricité, un bien public aussi précieux que l’eau

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CommentaireL’électricité, un bien public aussi précieux que l’eau

En Europe, comme en Suisse, le marché de l’électricité a besoin d’une profonde réforme. Les collectivités publiques doivent reprendre en main ce secteur qui a peu à peu échappé à leur contrôle.

Eric Felley
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Eric Felley
Cette crise de l’électricité doit être le point de départ d’une nouvelle réflexion citoyenne.

Cette crise de l’électricité doit être le point de départ d’une nouvelle réflexion citoyenne.

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Après des années pléthoriques, la crise actuelle du marché de l’électricité a ouvert un vaste débat à Berne autour de l’aide à accorder aux grandes sociétés. La question sous-jacente est: mais comment en est-on arrivé là? Les réponses ont été pour beaucoup idéologiques. Cependant, une d’entre elles paraissait l’emporter sur les autres: le marché de l’électricité dysfonctionne totalement. Comme l’a déclaré mercredi la présidente de la commission européen, Ursula von der Leyen, ce marché, auquel est connectée la Suisse, a besoin «d’une réforme en profondeur».

Beau temps, mauvais temps

Les grosses entreprises, qui voient décupler leur facture d’électricité l’année prochaine, ont profité pendant des années d’une offre abondante sur le marché libre. Mais le réveil est brutal, trop brutal. La bourse de l’électricité a montré qu’elle fonctionnait surtout par beau temps, quand l’offre et la demande étaient équilibrées. Par mauvais temps, lorsque l’offre s’est mise à diminuer, la loi du marché a provoqué un emballement potentiellement fatal pour des entreprises saines jusqu’ici.

Pouvoir politique perdu

C’est le moment d’envisager l’avenir avec des mécanismes qui stabilisent le prix de cette électricité, qui est aussi vitale que l’eau du robinet dans la vie de tous les jours. Essayez de passer une journée sans utiliser la moindre électricité… C’est d’ailleurs pourquoi, historiquement, la très grande majorité des installations de production, de transport ou de distribution appartiennent à des collectivités publiques. Cependant, le pouvoir de décision des propriétaires – le pouvoir du politique donc – s’est amenuisé avec la construction des holdings comme Alpiq ou Axpo, qui sont les gros acteurs du marché aujourd’hui fragilisés.

Collectivités publiques impuissantes

Dans le domaine de l’électricité, une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Actuellement, par exemple, la Ville de Lausanne est actionnaire d’EOS Holding SA, elle-même actionnaire d’Alpiq Holding SA, dont le siège est à Lausanne. Le fournisseur Romande Energie Holding SA, dont le principal actionnaire est l’État de Vaud, est aussi actionnaire d’EOS Holding SA. La ville de Lausanne est aussi actionnaire de Romande Energie Holding SA. Malgré les importantes participations des collectivités publiques dans ces sociétés, elles restent impuissantes face à la facture des Vaudois, qui va grimper d’environ 50% l’année prochaine.

De 15 centimes à 1 franc

Comme le constate le PS dans une série de questions déposées mercredi: une partie des KWh en Suisse seront vendus en 2023 aux alentours de 1 franc, alors que la quasi-totalité du parc électrique suisse produit à moins de 15 centimes le KWh. À l’autre bout, il se trouvera forcément quelqu’un pour encaisser, des intermédiaires divers, mais aussi les collectivités publiques à travers leurs dividendes. Elles devront ainsi essayer d’atténuer la hausse des prix en diminuant les taxes qu’elles prélèvent sur le kWh.

Au Parlement, d’aucuns ont comparé le marché de l’électricité à un casino, où les joueurs se sont laissés emporter par une spirale spéculative incontrôlable. Dans le processus de réforme qui s’engage, l’intérêt, la sécurité du client final et la stabilité des prix devront être à la base de toutes les réflexions et décisions.

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