FootballLa recette qu’Yverdon devra suivre pour battre Saint-Gall
Les Brodeurs ont perdu leur premier match en 2022 lundi. La performance de Lucerne peut donner des idées aux Nord-Vaudois, avant la demi-finale de Coupe de Suisse jeudi.
- par
- Valentin Schnorhk
Tout n’est pas que magie. Même si la Coupe de Suisse aime parfois imaginer de belles histoires, un peu irrationnelles. Celle que récite Yverdon depuis le début de saison, en sortant notamment Zurich et le Lausanne-Sport, en fait partie. Des petits miracles, mais qui ne sortent jamais de nulle part. Il y a des plans réfléchis, que la réussite s’est fait un malin plaisir d’accompagner. Uli Forte, l’entraîneur d’YS, planche vraisemblablement sur le prochain depuis quelques jours.
Jeudi, contre Saint-Gall, il faudra narrer un troisième exploit pour que les Nord-Vaudois accrochent la finale. Est-il réalisable? Depuis lundi, Yverdon peut en tout cas s’appuyer sur une certitude: il est possible de battre les Brodeurs en 2022. La formation de Peter Zeidler a en effet concédé sa première défaite de l’année à Lucerne (3-2). Preuve qu’elle a des failles. Pour Yverdon, il s’agira de s’approcher de la perfection. Les hommes de Mario Frick lui ont ouvert la voie. Voici la recette.
1. Répondre à l’intensité
Le football suisse est au courant. Saint-Gall vit depuis plusieurs saisons par l’intensité qu’il est capable de déployer. Il y a là un baromètre. Lorsque le FCSG est dominant, c’est parce qu’il est étouffant. Les stratégies pour le contrer ont été éprouvées: endormir le match, et tenter d’annihiler la bande à Zeidler en est une. Confisquer le ballon et la contraindre à défendre bas en est une autre. Il n’y a pas de kryptonite. Mais lundi, Lucerne a démontré qu’en répondant à l’intensité par l’intensité, il y avait moyen de décontenancer les Saint-Gallois.
Jamais lors de ses derniers matches, Saint-Gall n’avait été autant contrarié au pressing. L’indice dédié (le PPDA, le nombre de passes accordées à l’adversaire dans sa moitié de terrain avant une action défensive) illustre ainsi une activité bien plus marquée dans les rangs lucernois que chez les joueurs de Suisse orientale. Cela s’est exprimé notamment au pressing où le 4-3-1-2 de Frick s’est calqué sur celui de son adversaire, facilitant ces mécanismes. Dans l’axe du jeu, où il est normalement en supériorité, Saint-Gall a ainsi été agressé. À l’image de Jordi Quintilla, qui a perdu les six duels offensifs qu’il a eus à jouer.
Jouer les duels est bien sûr capital dans l’optique de faire vaciller ce Saint-Gall. Et notamment dans la surface de celui-ci, où il n’aime pas être mis sous pression. Si Maglica a donné de la taille et du muscle en arrivant cet hiver, Leonidas Stergiou peut être gêné dans ce domaine. Comme Quintilla lorsqu’il a à donner un coup de main. C’est d’ailleurs sur une telle phase, suite à une touche, que Dejan Sorgic a obtenu le penalty du 1-1 lundi. L’attaquant lucernois a joué le coup à fond. Stratégie payante.
Dans ce domaine, l’exécution est à la portée de tout le monde, ou presque. Pour ce qui s’agit des transitions, c’est en revanche une autre affaire. On évoque là ce sur quoi Saint-Gall base une partie importante de son approche. À savoir, récupérer aussi vite la balle une fois qu’elle a été perdue, et rechercher immédiatement la verticalité à la récupération. Un secteur dans lequel Lucerne a été admirable. Dans l’énergie déployée à la perte (favorisée par la densité autour du porteur de balle en possession, histoire de réduire les courses), mais aussi par sa capacité à sortir de la pression. En fin de rencontre, les Lucernois ont ainsi révélé certaines difficultés des Saint-Gallois à tenir ses lignes à la perte. De quoi s’offrir quelques jolies situations en transitions offensives. Une piste à creuser.
2. Résister en bloc bas
Yverdon pourrait donc avoir la bonne idée de jouer au jeu auquel Saint-Gall veut jouer. Mais il y a aussi des adaptations tactiques à imaginer. Pas forcément en termes de système. Mais de zones à protéger. En phase offensive, Saint-Gall est obsédé par l’axe. Il le densifie et cherche à le pénétrer, notamment par des combinaisons courtes. Ces phases de jeu risquent de se répéter pour les Nord-Vaudois, parce qu’outsiders. Il leur faudra savoir défendre bas.
Lucerne a aussi été inspirant lundi. Même s’il a concédé un but rapidement, après un penalty concédé pour une faute de main malheureuse. Mais avant que le match ne s’emballe dans les dix dernières minutes, il a eu la bonne idée de fermer la boutique, et de rester en vie. Avec deux principes complémentaires: d’abord, fermer l’axe, en orientant les attaquants adverses vers les côtés. Et lorsque cela n’était pas possible, alors Lucerne savait répondre intelligemment en densifiant lui aussi l’intérieur. Une bonne idée, puisque Saint-Gall n’est pas vraiment du genre à étirer le jeu. De quoi bien protéger le portier Marius Müller, en éloignant le danger dès que possible.
3. Exploiter les failles défensives
Si Yverdon-Sport devait parvenir à garder sa cage inviolée, alors il aura fait une grande partie du chemin. Parce que c’est bien dans le domaine offensif que les Brodeurs ont progressé en 2022 (2,75 buts marqués par match, contre 1,22 avant Noël, et 2,38xG créés par rencontre, là où ils n’étaient qu’à 1,51 avant). Défensivement, en revanche, il a gagné en réussite, mais il conserve ses failles: 1,35 xG subi par match, contre 1,65xG lors des deux premiers tours. Sachant qu’il encaissait 2,17 buts par match avant l’hiver. Une barre désormais abaissée à 1,25.
Il est donc possible de mettre en danger Lawrence Ati Zigi. Un créneau fonctionne plutôt bien: passer par les côtés. L’explication est avant tout structurelle: le 4-3-1-2 ou 4-3-3 saint-gallois est très étroit et concentré à l’intérieur du jeu. Il y a donc des espaces sur les couloirs. Et puisque les joueurs de Zeidler ont une attitude défensive orientée sur le ballon, ils laissent des espaces lorsque le jeu se situe à l’opposé. En zone 3 pour l’adversaire, il n’est ainsi pas rare de voir la surface dégarnie. C’est ainsi que Saint-Gall a encaissé la plupart de ses buts concédés dernièrement.
Exploiter la largeur est donc un plan régulièrement adopté par les équipes qui doivent se mesurer à ce Saint-Gall. Que ce soit en transition offensive ou sur action placée, il y a souvent des espaces à attaquer et donc des mètres à gagner. Corollaire immédiat, le deuxième poteau est une zone souvent oubliée sur les centres accordés à l’adversaire. Notamment lorsque ceux-ci viennent de la gauche: à l’opposé, Isaac Schmidt, aligné au poste de latéral gauche, est l’une des révélations du début d’année, mais il n’a pas tous les réflexes de placement et d’intervention.
Il existe encore une autre faille dans la phase défensive saint-galloise: la capacité à subir le jeu lorsqu’il est en bloc médian, voire bas. Le FCSG s’y refuse aussi souvent qu’il le peut, puisqu’il aspire à récupérer le ballon le plus haut possible, en pressant intensément. Mais parfois, il n’a pas le choix. Et force est d’admettre que le losange n’est pas très efficace pour fermer les intervalles. Le dos des milieux laisse des espaces quand l’adversaire avance à l’intérieur du jeu. Lucerne en a profité lundi: Jashari a magistralement fixé le milieu saint-gallois pour servir Sorgic, qui s’est défait du marquage de Maglica pour envoyer un missile de l’entrée de la surface. Ces qualités-là, en revanche, sont difficilement préparables. Mais la Coupe est parfois magique…