MédecineUne protéine trop efficace favorise l’alzheimer
Des chercheurs dirigés par l’Université de Genève ont découvert comment une protéine présente chez 15% pourrait contribuer à la mort des neurones.
- par
- Comm/M.P.
La recherche sur la maladie d’Alzheimer avait déjà identifié un facteur à risque: une protéine des astrocytes. Mais on ne comprenait pas encore comment elle était capable de multiplier par dix le risque de développer ce mal. Une collaboration réunissant l’Université de Genève (UNIGE), le Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL), l’Université de Zurich et l’entreprise pharmaceutique AbbVie vient d’en découvrir le potentiel mécanisme.
Les astrocytes, cellules en forme d’étoiles, assurent la survie des neurones en secrétant une protéine multifonction, APOE. Cette dernière nourrit les neurones en formant des particules contenant des lipides et des vitamines. Mais elle assure également leur détoxification, en les débarrassant de leurs déchets lipidiques qui peuvent devenir nocifs s’ils ne sont pas retirés. La protéine les collecte et les ramène aux astrocytes où ils sont détruits.
Trois variantes génétiques
Mais il existe trois variantes génétiques de APOE: APOE3, qui est le plus fréquent dans la population, APOE2 qui est présent chez 8% des gens et APPOE4 qui se retrouve chez près de 15% d’entre eux. Et c’est ce dernier qui pose problème. L’équipe de recherche a identifié de nouveaux mécanismes moléculaires, qui expliquent comment APOE se lie aux membranes des astrocytes pour y détecter et en extraire les lipides dont elle a besoin. De plus, des expériences in vitro menées sur des lignées cellulaires humaines porteuses des différentes variantes d’APOE ont démontré que cette protéine est extrêmement efficace pour transporter les lipides potentiellement nocifs produits dans les neurones.
«Et à notre grande surprise, APOE4 s’est avérée encore plus efficace que les autres formes de la protéine», s’enthousiasme Katharina Beckenbauer, co-première auteure de cette étude parue ce 1er mars dans Cell Reports. «Ainsi, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’ici, le problème n’est pas qu’APOE4 cesse de fonctionner mais l’inverse: le mécanisme s’emballe».
Lorsque les astrocytes vieillissent, ils deviennent moins efficaces et se mettent à accumuler les lipides plutôt que de les détruire. «Nous avons observé que le vieillissement cellulaire détournait APOE de sa fonction première (le transport de lipides vers les neurones et la récupération des déchets lipidiques) vers la sécrétion de triglycérides, un type particulier de lipides qui peuvent devenir néfastes s’ils ne sont pas détruits», explique Karina Lindner, autre co-première auteure de ces travaux.
Elle accélère la maladie
Et ce phénomène est exacerbé avec APOE4: elle stimule la sécrétion de triglycérides, entraînant leur accumulation incontrôlée. Cette accumulation pourrait ainsi grandement contribuer à la mort neuronale, une caractéristique de la maladie d’Alzheimer. «APOE4 présenterait ainsi la capacité d’accélérer le processus pathologique de la maladie»
Afin de mieux comprendre les détails de ce processus, les scientifiques de l’UNIGE veulent maintenant déterminer comment la sécrétion de ces lipides potentiellement nocifs est régulée et si cette sécrétion peut être détectée chez des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Ce qui constituerait une nouvelle avancée dans la lutte contre ce mal qui affecte près de 50 millions de personnes dans le monde.