NeuchâtelIl a jeté sa voiture dans un ravin pour tuer sa femme
Une tentative d’assassinat est jugée à La Chaux-de-Fonds à l’encontre d’un mari jaloux et suicidaire qui n’a pas respecté une mesure d’éloignement.
- par
- Vincent Donzé
Le procès d’un maçon portugais qui a précipité sa voiture dans un ravin alors qu’il roulait avec sa femme embarquée sous la menace d’un couteau débute ce mercredi à La Chaux-de-Fonds. Les deux occupants de la voiture ont survécu et depuis cette tentative d’assassinat, il est apparu que le mari jaloux était soumis à une mesure d’éloignement qu’il n’a pas respectée.
L’enlèvement de l’épouse ne s’est pas déroulé dans l’appartement de la rue de la Serre où elle avait trouvé refuge avec son fils cadet. Le mardi 15 février 2022, le mari alors âgé de 54 ans a attendu que sa femme de 52 ans sorte de l’immeuble au petit matin avec leur fils de 24 ans.
Séquestration et enlèvement
Sous la menace d’un grand couteau de cuisine, à 5 h 45, le mari a obligé la femme dont il vivait séparé à monter dans sa voiture pour rouler pied au plancher en direction du point de vue des Roches-de-Moron, en dérapant sur la chaussée et en manquant de peu de renverser des piétons.
Parvenu à destination, il s’y est repris à deux fois pour parvenir à briser une barrière en bois. Devant un restaurant fermé en hiver, sans témoin, il a projeté sa voiture dans le vide, par-dessus des rochers.
Grâce à la géolocalisation
La carcasse a été repérée grâce à la géolocalisation d’un téléphone portable, trois heures après l’enlèvement. «Il avait laissé un mot à son domicile laissant entendre qu’il souhaitait mettre fin à ses jours, mais sans mentionner son épouse», mentionnait le procureur Nicolas Aubert, en parlant du mari.
Dans sa lettre d’adieu, le mari indiquait vouloir mettre un terme à sa vie en adressant un «adieu» à ses frères et sœurs. Ses mobiles sont qualifiés de «futiles» par le procureur: il sentait sa femme gagner en indépendance et la suspectait de le tromper.
Amortie par des arbres
La chute de la voiture a été amortie par des arbres. Éjectée de la voiture, la femme a été hospitalisée à l’Hôpital de l’Île, à Berne, avec plusieurs traumatismes crâniens, une importante plaie ouverte et des traumatismes thoraciques.
Le maçon jaloux est détenu provisoirement dans l’établissement d’exécution des peines et des mesures de Bellevue à Gorgier. Il est accusé de tentative d’assassinat, subsidiairement de tentative de meurtre, de séquestration et d’enlèvement. Si le planning est maintenu, les trois juges du Tribunal criminel des Montagnes neuchâteloises et du Val-de-Ruz rendront leur jugement dans deux jours.
Ce que démontre l’acte l’accusation, c’est que les juges sont face à une tentative de féminicide, point culminant d’une violence conjugale faite d‘injures, de coups, de menaces, de contraintes et de viols pendant quatre mois. Le jeudi précédant la tentative d’assassinat, une altercation au sein de ce couple a nécessité l’intervention de la police.
Ce jour-là, en fin de soirée, le père était ivre et «en état d’excitation», selon la police. Le procureur Pierre Aubert relevait qu’au sein du couple, «les relations étaient tendues depuis vingt ans, avec des menaces constantes» de tous ordres, jamais exécutées.
À la main gauche
Alors qu’il était maintenu en garde à vue, le mari s’est vu signifier une interdiction de périmètre. Un ordre de police outrepassé avec au passage, une entaille infligée au couteau à la main gauche de son fils cadet, sectionnant tendons et muscles.
Le maçon surveillait son épouse à son travail, quand il n’intervenait pas pour l’en extraire manu militari. Il enregistrait ses conversations, notamment téléphoniques, mais il l’a aussi coupée de ses activités sociales. La vulgarité dans l’insulte était récurrente: il la traitait de «folle», de «vache», de «chèvre» ou de «grande pute». «Va te faire foutre…» était coutumier.
Frappée, giflée
L’épouse a été frappée, giflée, étranglée. Quand leur fils s’interposait, il l’effrayait en menaçant de le tuer s’il ne le laissait pas passer. Elle n’osait plus utiliser librement le téléphone, ni même accéder aux réseaux sociaux. Elle ne s’habillait plus selon ses envies et ne s’achetait plus rien pour le plaisir.
Leur relation était rythmée par des violences sexuelles, «entre passivité résignée et négation affirmée», selon le procureur. Réfugiée chez son fils aîné avec son fils cadet, l’épouse se sentait protégée par ses enfants majeurs, face à une tension accrue au sein du couple.