Deux morts pour trois tracteurs: l’agriculteur fribourgeois écope de la perpétuité

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JusticeDeux morts pour trois tracteurs: l’agriculteur fribourgeois écope de la perpétuité

Le double assassin de Sorens (FR), qui a massacré un père et son fils en mars 2020 pour un mobile futile, est condamné à la peine maximale.

Evelyne Emeri
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Evelyne Emeri
Fin de partie pour l’agriculteur de 33 ans qui repart de Granges-Paccot (FR) en fourgon cellulaire, direction la prison de Bellechasse.

Fin de partie pour l’agriculteur de 33 ans qui repart de Granges-Paccot (FR) en fourgon cellulaire, direction la prison de Bellechasse.

lematin.ch/Evelyne Emeri

Sans surprise. Au moment du verdict, le Tribunal pénal d’arrondissement de la Gruyère a suivi le réquisitoire du procureur Marc Bugnon. Ce mercredi 1er mars, près de trois ans après les faits, le criminel du village de Sorens (FR) s’est vu infliger la peine maximale: la réclusion à vie principalement pour double assassinat, atteinte à la paix des morts et escroquerie. L’agriculteur de 33 ans, jugé sain d’esprit par les experts psychiatres et, partant, pleinement responsable pénalement, ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante.

L’examen d’une éventuelle libération conditionnelle n’interviendra qu’au bout de 15 ans (ndlr. 12 en l’occurrence/3 ans déjà purgés), ainsi que le prévoit le Code pénal en cas de prison à vie. Le condamné sera réévalué par le Service d’exécution des sanctions pénales et de la probation.

«Pas les bons choix»

Détenu depuis le lendemain de ses homicides perpétrés le 24 mars 2020, Pierre* n’a convaincu personne, excepté son avocat, qui avait plaidé le meurtre et exhorté la Cour à ne retenir que 9 ans ferme lors du procès des 6, 7 et 8 février derniers. Le Fribourgeois n’a eu de cesse de dire en audience «qu’il n’avait pas fait les bons choix» et concédé «s’être acharné sur eux». Il a agi sans hésiter, méthodiquement ce soir de mars 2020, avant de rentrer chez lui et manger avec sa compagne, sans laisser transparaître la moindre émotion. Tout comme le lendemain matin, affirmant à la police qu’il n’avait pas vu les deux Macédoniens, massacrés la veille.

Déclencheurs balayés

Un SMS ferme, mais dénué de menaces (ndlr. «Bonjour Monsieur… cette fois je suis vraiment sérieux…»), envoyé à Pierre par ses futures cibles a-t-il déclenché cette tuerie? La formulation indélicate - «Joli petit cul celle-là» - à l’endroit de sa petite amie lors d’un précédent rendez-vous d’affaire a-t-elle rendu fou le trentenaire reconverti dans un commerce de machines? Les victimes sont-elles à l’origine de leur propre mort, ont-elles provoqué la bagarre sur les lieux isolés de ce véritable carnage? Si la défense a soutenu ces éléments, les parties plaignantes et le ministère public n’en ont même pas fait cas. Les juges fribourgeois, non plus.

Pour 34 000 francs

Établies à Cugy (VD), les victimes macédoniennes, un père de 47 ans et son fils de 23 ans, ont payé de leur vie d’avoir voulu récupérer une avance de 34 000 francs. 34 000 francs pour l’achat de trois tracteurs littéralement bradés par l’accusé et qu’il n’a jamais eu en sa possession. Il avait très vite été confondu et avait admis les faits. Pierre - qui n’a jamais reçu de salaire de son père pour son travail acharné sur le domaine agricole - a dépensé sans (savoir) compter cet argent frais. D’une part, pour choyer sa petite copine en lui achetant un cheval et un van; d’autre part, pour acquérir un fusil de chasse qui servira à maîtriser ses futures proies.

Machiavélique

Un plan machiavélique, une préméditation avérée et une minutie à frémir, assorties de la barbarie de sang-froid qui s’en est suivie. À terre, rampant, blessés par les quatre coups tirés par l’agriculteur, les deux hommes se sont ensuite fait fracasser le visage et le crâne à coups de crosse et de canon au point de briser l’arme. Leur calvaire s’est terminé au fond de la fosse à purin du chalet d’alpage familial. Le fils était encore vivant au moment de l’immersion. Les agissements particulièrement atroces du criminel, qui avait attiré les deux hommes dans cet endroit reculé, ont brisé deux familles, deux épouses et deux fratries.

Il fera appel

Par la voix de son avocat Me Alexandre Dafflon, Pierre a annoncé qu’il fera appel de sa condamnation. L’homme de loi estime qu’il a des éléments tangibles pour plaider à nouveau la défense excusable en deuxième instance. Il n’a pas souhaité commenter davantage ce jugement et la sanction prononcée, qui reste rare en Suisse. Ce second procès à venir sonne comme une torture supplémentaire pour les proches des deux défunts, défendus par Me Coralie Devaud.

*Prénom d’emprunt

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