BasketballLa NBA, bientôt prête à accueillir une entraîneuse?
La plus prestigieuse ligue de basketball au monde n’a encore jamais vu une de ses équipes nommer une femme comme entraîneuse principale. La faute à un état d’esprit plutôt qu’à des performances.
- par
- Rebecca Garcia
Septante-sept ans d’existence mais toujours pas la moindre femme à la tête d’une équipe de NBA. La ligue américaine de basketball était pourtant proche d’écrire l’histoire. Becky Hammon avait été reçue lors de plusieurs entretiens pour diriger les Pacers ou les Bucks, mais il n’y a pas eu de suite. Elle raconte que les principaux arguments pour lui refuser le poste sont qu’elle n’a jamais été entraîneuse principale et qu’elle n’a connu que les Spurs en NBA. «J’ai le sentiment que la NBA est parfois proche d’engager une femme entraîneur, mais d’un autre côté je sens qu’ils sont loin de passer à l’acte. Je ne sais pas quand cela pourrait arriver», explique-t-elle.Si elle est la première à avoir décroché le poste d’assistante à plein temps pour une équipe de NBA, elle est aussi la première à avoir dirigé une équipe durant un match.
Gregg Popovich s’était fait éjecter pendant un match qui opposait ses Spurs aux Lakers. La partie s’est très vite compliquée pour les visiteurs, puisqu’ils concédaient déjà 8 points de retard au terme du premier quart-temps. L’expulsion de l’entraîneur n’a pas facilité les choses, et c’est Becky Hammon qui a pris les rênes au pied levé. Elle n’a pas pu empêcher la défaite (121-107) de son équipe mais a tout de même marqué l’histoire.Le monde du basket se disait alors que, si une femme devait entraîner une équipe, ce serait forcément Becky Hammon.
L’ancienne joueuse professionnelle a surpris tout le monde en rejoignant les Las Vegas Aces, en WNBA. «Il y a eu beaucoup de nuits blanches pour arriver à cette décision», confie-t-elle. Elle qui disait n’avoir aucune intention de revenir en WNBA avant de recevoir l’appel du club a pesé les avantages que cela procurerait à sa famille et surtout de l’opportunité que cela représentait. «Je me sens prête à avoir ma propre équipe.»
Becky Hammon retourne donc sur les parquets de WBNA… faute de réelles promesses de la ligue masculine? Les joueurs, les dirigeants et les spectateurs sont-ils prêts à encourager une entraîneuse? Parmi les arguments avancés contre l’idée, celui qui revient le plus est celui des capacités. La logique d’une compétition moindre chez les femmes a toutefois été balayée par des stars du ballon orange. «Si vous présentez cet argument à n’importe qui ayant joué au basketball à haut niveau, vous allez paraître vraiment ignorantes», assène Pau Gasol.
Le joueur catalan s’est montré implacable dans une lettre ouverte parue dans «The Player’s Tribune» en 2018: «Je ne dis pas qu’elle entraîne assez bien. Je ne dis pas qu’elle entraîne assez pour que ça passe. Je ne dis pas qu’elle a presque le niveau des entraîneurs hommes de NBA. Je le dis: Becky Hammon peut entraîner du basketball de NBA. Point.»
La légitimité d’un coach est centrale. À ceux qui accusent les Spurs d’avoir voulu se donner une image inclusive pour faire les beaux titres, le basketteur répond que le succès du club est incompatible avec de tels coups marketing.Ce qui est vrai en revanche, c’est que le sexisme reste tenace dans certains sports. «Que va-t-il arriver à votre organisation quand la première plainte pour harcèlement sexuel arrivera parce qu’un joueur fait l’hélicob*te devant une de ces femmes?» interroge Kyle Turley, ancien joueur de NFL, dans une enquête de «SB Nation».
Fait intéressant: cette inquiétude des potentiels rapports sexuels entre hommes et femmes apparaît surtout chez la gent masculine. «La NBA est un environnement incroyablement sexiste», ajoute un ancien coach de NBA resté anonyme. «J’entends les joueurs parler des femmes. J’ai une fille, et je trouve cela parfois dérangeant.» Il estime également que des hommes seraient gênés d’être dirigés par une «elle» plutôt que par un «il». Toutes ces questions sont les mêmes que celles qui divisent d’autres secteurs depuis des années. Le faible nombre de femmes à la tête d’entreprises, dans les conseils d’administration ou dans certains domaines scientifiques a connu des batailles similaires. «Il y a des mouvements pour augmenter la diversité au travail dans presque toutes les industries du monde. C’est ce qui est attendu. C’est surtout ce qui est juste. Et pourtant la NBA devrait obtenir une dérogation parce que certains fans sont d’accord qu’on le prenne à la légère… juste parce que nous sommes «les sports»?» lâche Paul Gasol, à la retraite depuis octobre 2021.
Les échos changent totalement trois années plus tard. «USA Today» a fait le point sur les différentes assistantes en NBA. Elles décrochent les postes à responsabilités sans que personne ne sourcille. «C’est une génération de joueurs élevés majoritairement par des femmes, et souvent des femmes seules et fortes», affirme Jenny Boucek, qui travaille pour les Indiana Pacers. Le jeune joueur Deshaun Highler, qui est apparu dans la série documentaire de Netflix «Last Chance U», incarne cette nouvelle génération. L’Instagram du jeune joueur compte de nombreux messages à l’intention de sa mère – décédée – et de celle qui partage sa vie depuis trois années.
Pau Gasol insiste sur l’indifférence totale qu’il aurait à avoir un homme ou une femme en tant qu’entraîneur, tant qu’il s’améliore. Plutôt que projeter ses propres craintes sur l’équipe technique, il serait peut-être temps de laisser les personnes compétentes s’installer à leurs postes. Teresa Weatherspoon, légende de WBNA et entraîneuse assistante des New Orleans Pelicans, le résume mieux que quiconque. «En tant qu’athlète, je ne vois pas un homme ou une femme. Je vois l’athlète.»