PiémontUne bataille du chocolat se déroule entre l’Italie et la Suisse
Une entreprise italienne appartenant à Lindt s’oppose au cahier des charges visant à conférer une IGP au gianduiotto, une spécialité turinoise.
- par
- Michel Pralong
C’est à Turin qu’a été créé le gianduiotto, une friandise à base de gianduja, une pâte de noisette et de cacao. La maison Caffarel a été la première à en faire une production industrielle en 1865. Une procédure a été lancée en 2017 pour conférer à cette douceur une indication géographique protégée (IGP). Mais elle est bloquée depuis plus d’une semaine au Ministère italien de l’agriculture. Car cette même entreprise Caffarel conteste son cahier des charges.
Or Caffarel est désormais suisse car rachetée par le chocolatier zurichois Lindt en 1997. L’entreprise reproche au cahier des charges d’exiger dans la recette trop de noisettes (entre 30 et 45%) et de ne pas y autoriser le lait en poudre, explique le «Corriere della Sera». Elle aimerait avoir 26% de noisettes et 10% de lait en poudre pour correspondre à sa propre fabrication. Mais évidemment, lors de la création de cette friandise, le lait en poudre n’existait pas.
«Cher Lindt, ne touchez pas au gianduiotto!»
En face, il y a le comité de promotion de la marque gianduiotto IGP de Turin, dirigé par le chocolatier Guido Castagna et l’avocat Antonio Borra, représentant 40 entreprises locales, dont Ferrero, Domori, Venchi et des artisans comme Gobino et La Perle. Et ils n’ont pas l’intention que Zurich leur dicte la recette du gianduiotto. «Cher Lindt, ne touchez pas au gianduiotto. C’est une marque appartenant à Turin et au Piémont, et non à une seule entreprise, qu’elle soit italienne ou suisse» a lancé le gouverneur du Piémont Alberto Cirio.
«Il est clair pour tout le monde que cette marque appartient à notre territoire, a-t-il poursuivi. Tous ceux qui produisent ici dans le Piémont peuvent l’utiliser, mais personne ne peut nous enlever notre histoire et notre tradition». Le commerce du gianduiotto représente 200 millions d’euros.
Malgré le blocage de Caffarel, le processus de reconnaissance de ce chocolat s’est poursuivi ce mercredi avec un téléphone du ministre italien de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida au commissaire européen à l’agriculture. Car après l’approbation italienne de l’IGP du gianduiotto, Bruxelles doit également dire oui.
«Nous ne voulons pas la guerre»
«Nous ne voulons pas faire la guerre à Caffarel a expliqué le chocolatier Guido Castagna. Nous aimerions qu’un jour l’entreprise appartenant à Lindt adhère à notre cahier des charges, peut-être pas immédiatement mais dans le futur. Cependant, nous ne pouvons pas accepter qu’une entreprise décide de la marque d’un produit né à Turin il y a deux siècles, à l’époque du blocus napoléonien». Napoléon avait interdit aux navires du Royaume-Uni et de ses colonies d’accoster dans les ports de l’empire français, causant notamment une pénurie de sucre. Il avait donc fallu inventer d’autres douceurs.