ÉmeutesNouvelle-Calédonie: des tirs avec des armes de gros calibre et des maisons brûlées
La situation est tendue en Nouvelle-Calédonie, alors que les députés français examinent une réforme constitutionnelle pour l’île.
Véhicules incendiés, pillages, rues bloquées: des émeutes ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi en Nouvelle-Calédonie, territoire français du Pacifique, au moment où les députés débattent à Paris d’une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes de l’archipel.
À l’entrée de Nouméa, la «capitale» calédonienne, une usine spécialisée dans l’embouteillage a été totalement ravagée par un incendie volontaire lundi soir, a constaté une journaliste de l’AFP. Plusieurs supermarchés ont été pillés à Nouméa et dans les villes limitrophes de Dumbéa et du Mont-Dore. Au moins deux concessions automobiles ont été incendiées, a également constaté l’AFP.
Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a rapporté mardi «des tirs tendus avec armes de gros calibre, des carabines de chasse, sur les gendarmes», pendant la nuit d’émeutes sur la commune du Mont-Dore. «Il n’y a pas eu de morts», a-t-il dit lors d’une conférence de presse, en appelant au calme après une nuit d’émeutes.
Dans la nuit de lundi à mardi, de jeunes manifestants masqués ou encagoulés se sont emparés de plusieurs ronds-points et ont affronté les forces de l’ordre. Des feux ont été allumés sur la chaussée pour entraver la circulation tandis que des tirs de lanceur de balles de défense et de grenades de désencerclement se faisaient entendre dans toute l’agglomération.
Mutinerie en prison
Selon une source policière, les affrontements ont été particulièrement violents et caractérisés par de nombreux incendies de véhicules. Des détenus ont déclenché un début de mutinerie au centre pénitentiaire de Nouméa, selon la même source. Trente-six interpellations ont eu lieu et 30 gendarmes ont été blessés, selon les autorités.
Les premières altercations avec les forces de l’ordre ont commencé lundi dans la journée, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre une réforme constitutionnelle examinée lundi à l’Assemblée nationale, qui vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie.
Établi en 1998 par l’accord de Nouméa, qui a permis de nombreux transferts de compétences à la Nouvelle-Calédonie par l’État français, le corps électoral du territoire est en effet gelé. Ce qui a pour conséquence, 26 ans plus tard, de priver de droit de vote près d’un électeur sur cinq.
Avenir de l’île
Pour le ministre français de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, qui a porté cette réforme constitutionnelle, cette disposition «n’est plus conforme aux principes de la démocratie» et «mène à l’absurde».
Derrière ce projet assez technique se joue une grande partie de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, comme en témoignent les tensions croissantes sur l’île.
Deux camps s’opposent. Celui des non-indépendantistes, favorables à la réforme, et celui des indépendantistes qui y voient au contraire un passage en force de l’État pour «minoriser encore plus le peuple autochtone kanak».
Prévu à ce stade au plus tard le 15 décembre, le scrutin provincial est essentiel sur l’archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des compétences.
Avalanche d’amendements
Alors qu’un vote solennel était normalement prévu mardi après-midi, les débats à l’Assemblée nationale n’ont pas pu être menés à leur terme dans la nuit, en raison d’un grand nombre d’amendements déposés notamment par le groupe Insoumis (gauche radicale). Le nouveau calendrier sera acté mardi matin.
«J’ai une pensée pour les policiers (…) et singulièrement pour les gendarmes, dont on évacue en ce moment même les familles menacées de mort par des manifestants qui ne passent pas par la démocratie, mais par la violence, le tir à balles réelles, l’intimidation et les menaces de mort», a fustigé Gérald Darmanin à la tribune de l’Assemblée.
Un couvre-feu a été décrété de mardi 18h00 à mercredi 06h00 locales, a annoncé dans un communiqué le représentant de l’État dans ce territoire. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a de son côté annoncé mardi la fermeture des lycées et collèges jusqu’à nouvel ordre. L’aéroport international est fermé et la compagnie Aircalin a suspendu ses vols pour la journée de mardi.