Conflit: Quand l’Ukraine se sert dans les stocks ennemis

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ConflitQuand l’Ukraine se sert dans les stocks ennemis

C’est un classique de la guerre, possible que si les armements antagonistes sont compatibles. L’armée ukrainienne récupère blindés, munitions et autres matériels sensibles abandonnés par les Russes.

Selon Pierre Grasser, historien au laboratoire Sirice, à Paris, «un blindé détruit, c’est aussi important pour les pièces qui n’ont pas brûlé: les moteurs, les suspensions, les barres de traction…».

Selon Pierre Grasser, historien au laboratoire Sirice, à Paris, «un blindé détruit, c’est aussi important pour les pièces qui n’ont pas brûlé: les moteurs, les suspensions, les barres de traction…».

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Depuis fin août, la guerre en Ukraine est entrée dans une nouvelle phase, avec deux contre-offensives ukrainiennes autour de la ville de Kherson, dans le sud, une des premières à être tombée aux mains des Russes, et dans le nord-est du pays. Après quatre mois de stagnation du front, des combats violents mais des gains territoriaux mineurs, ce sont les Ukrainiens qui ont revendiqué la reconquête de milliers de kilomètres carrés. Et si les Russes ont eux-mêmes saisi du matériel ennemi lors des mois précédents, la tendance est désormais fortement inversée.

En reculant, l’armée du Kremlin ne part pas toujours dans le bon ordre. L’institut privé britannique de renseignement Janes évoque la saisie ukrainienne de tanks, véhicules blindés, pièces d’artillerie, camions de transports de troupes, véhicules de commandement avancé et autres radars et équipements électroniques.

Fuite précipitée

Les chiffres sont sujets à caution, mais Janes a récemment établi la récupération d’au minimum 200 véhicules, 40 tanks, 70 blindés d’infanterie et 30 pièces d’artillerie. «Beaucoup ont été saisis dans le nord-est et la poussée de Kharkiv à Izioum», précise un analyste de Janes, sous couvert de l’anonymat. Les Russes «semblent avoir considéré qu’ils pourraient fuir plus vite dans des véhicules civils qu’à bord de blindés».

Au nord de Kherson, l’AFP a pu dénombrer en octobre, une vingtaine de chars, lance-roquettes et véhicules de transport russes récemment détruits ou endommagés. Une demi-douzaine d’entre eux, aperçus en matinée, avaient disparu quelques heures plus tard.

«Les Russes semblent avoir considéré qu’ils pourraient fuir plus vite dans des véhicules civils qu’à bord de blindés.»

Un analyste de l’institut privé britannique de renseignement Janes

De fait, cette guerre est terrible pour les hommes et les équipements. Et tout matériel est le bienvenu. «On voit toujours beaucoup de véhicules civils ou de blindés légers utilisés dans des attaques. Ce n’est pas une tactique, l’armée ukrainienne manque toujours de véhicules blindés», remarque Michael Kofman, expert du laboratoire d’idées CNAS, à Washington. Selon lui, «une partie des véhicules saisis venaient déjà des chantiers de réparation. Ils peuvent être utilisés en pièces détachées, mais étaient probablement inopérants».

Matériel pas neutralisé

La compatibilité des armements constitue à cet égard un avantage majeur. Kiev a reçu bon nombre d’armes et munitions occidentales modernes, mais son équipement de départ est d’origine soviétique. «Souvent, des surblindages sont récupérés sur des blindés ennemis détruits», relève ainsi Pierre Grasser, historien au laboratoire Sirice, à Paris. «Un blindé détruit, c’est aussi important pour les pièces qui n’ont pas brûlé: les moteurs, les suspensions, les barres de traction, c’est précieux.»

Mais dans cette guerre, les Russes facilitent la tâche de l’ennemi. Ils semblent dépourvus de «logistique de l’avant», qui permet d’aller récupérer du matériel endommagé ou en panne au milieu des combats. Et en principe, «on neutralise le matériel avant de l’abandonner», explique l’officier. Or, «le commandement russe ne donne probablement pas les consignes de le faire».

À terme, ce sont l’ensemble des alliés de l’Ukraine qui s’en réjouissent. «Cela signifie aussi que les agences de renseignement occidentales et les techniciens pourront évaluer l’équipement russe».

(AFP)

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