CommentaireRéfugiés ukrainiens: besoin d’un second souffle
La belle unité du début pour accueillir les réfugiés de la guerre en Ukraine est en train de se lézarder. Du côté de l’UDC, le ton se crispe contre la générosité helvétique.
- par
- Eric Felley
Le climat positif autour des réfugiés de la guerre en Ukraine est en train de changer. Comme on pouvait le craindre, il n’aura pas fallu trois mois, depuis le 24 février, pour que certains commencent à brandir la pancarte de «la barque est pleine», comme en 1942 face à l’afflux de réfugiés juifs fuyant les persécutions.
La barque n’est pas encore pleine, mais elle se remplit, c’est un fait. Les cantons commencent à s’inquiéter des coûts de l’accueil estimés entre 1,25 et 2,25 milliards de francs pour cette année. Pour 2023, la presse dominicale alémanique parle de dépenses pouvant atteindre jusqu’à 7,5 milliards… L’UDC communique: «Aussi justifiée que soit l’aide aux réfugiés de la guerre, le revers de la médaille est une réalité: les conséquences financières pour notre pays sont conséquentes». Autrement dit, il faudra bientôt faire une pesée des intérêts.
Le conflit a évolué
Cette vague de réfugiés hors norme a bénéficié d’une grande sympathie dans l’opinion, comme le montrait notre sondage publié après un mois de guerre en Ukraine. 78% des personnes interrogées soutenaient la politique du Conseil fédéral et la mise en place du statut S pour les réfugiés. Depuis, le conflit russo-ukrainien a évolué et le Kremlin a dû rabattre ses troupes à l’est, où le conflit semble prêt à s’enliser. Peut-on en déduire que le reste de l’Ukraine à l’ouest soit redevenu une zone sécurisée et que les exilés peuvent rentrer chez eux?
Limiter le statut S
Cette question a réveillé les spécialistes de la question migratoire à l’UDC. Sa conseillère nationale Martina Bircher (UDC/AG) a déposé au Conseil national une interpellation d’une quinzaine de questions. Elle écrit: «Si cela se confirme, il faudra réfléchir à limiter le statut de protection S au niveau régional et à ne l’accorder qu’aux réfugiés originaires de l’est de l’Ukraine». Le vice-président du PLR Andrea Caroni (PLR/AR), a partagé cette proposition, mais pas son parti.
L’élue UDC vise aussi les personnes ayant obtenu un statut S, alors qu’elles ne sont pas ukrainiennes, et craint que les réfugiés s’installent chez nous pour toujours, au lieu de rentrer chez eux pour reconstruire leur pays. À 17 mois des élections fédérales, il fallait s’attendre à ce que l’UDC reprenne son discours anti-migratoire autour de cette crise ukrainienne.
Trop tôt pour s’impatienter
Il serait tout de même dommage que les réfugiés ukrainiens, après avoir été accueillis généreusement, se retrouvent pris en otages ou fassent l’objet de procès d’intention. Peut-être qu’une certaine fatigue se fait sentir, que les moyens ne sont pas toujours là pour l’accueil ou que les bonnes volontés s’essoufflent. Mais il faut rappeler que tous ces gens n’auraient jamais quitté leur pays, s’il n’avait pas été attaqué de manière aussi brutale et inattendue. Il faut espérer que peu à peu l’Ukraine puisse en finir avec cette guerre, se rétablir et se reconstruire. Mais, pour l’instant, c’est encore un peu trop tôt pour s’impatienter du retour de ces réfugiés dans leur pays.